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Rambalh, c'est un pot pourri de mes lectures, un blog pour partager mes coups de coeur et de gueule. Rambalh signifie Bordel en Occitan et c'est un peu le cas de ce blog. Il est surtout né de mon besoin de garder une trace de mes lectures. Retrouvez-moi aussi sur Accros & Mordus de Lecture.

mardi 28 décembre 2021

La petite fille aux yeux sombres de Marcel Pagnol

Depuis quelques années je me donne le temps de découvrir l'oeuvre de Marcel Pagnol.



Quatrième de Couverture
Ils sont trois, ils sont amis, ils ont vingt ans. Nous sommes au début de ce siècle et Marseille était alors – elle est encore – une des plus belles cités du monde. « Le premier s’appelle Louis-Irénée Peluque : il est gardien au jardin zoologique. Le deuxième s’appelle Felix-Antoine Grasset : il est poète et philosophe, c’est-à-dire qu’il tire longuement sa pipe et ne fait rien. Le troisième, qui a trouvé un travail approximatif chez un éditeur, s’appelle Jacques Panier. »
L’amour est-il un piège que nous tend le génie de l’Espèce aux seules fins de se perpétuer ? C’est ce que pensent Peluque et Grasset. C’est aussi l’idée de Jacques Panier, qui a juré que l’on ne l’y prendrait pas. « Mais les plus belles idées ne pèsent pas lourd contre la nature, et comment rester philosophe quand on voit passer tous les jours, à la même heure, discrète, silencieuse et timide, une petite fille aux yeux sombres ? »
Marcel Pagnol n’était pas beaucoup plus âgé que Jacques Panier quand il écrivit ce petit roman. Mais on y trouve déjà ce ton inimitable qui allait être le sien, son humour, sa poésie…

Mon avis
La petite fille aux yeux sombres met un groupe d’amis face à la réalité de la trivialité de la vie. Du haut de leurs vingt ans, ils sont persuadés de tout comprendre du monde, ils pendent que leur érudition peut les préservés des bas instincts… Mais l’amour, aussi futile soit-il, réduit les grandes théories à néant. Dans un style encore en construction, Marcel Pagnol nous entraîne dans la Marseille du début du siècle dernier à la suite de ses personnages qui ont encore tout à apprendre.

Quelle douce balade dans les rues de Marseille sous la plume encore jeune de Marcel Pagnol. La petite fille aux yeux sombres regorge déjà de ces mots qui font le plaisir de lire Pangol. On y sent la jeunesse, la recherche du style aussi. On sourit en imaginant le jeune écrivain ajouter des allusions (trop nombreuses ici, fougue de la jeunesse) à la grande mythologie. On découvre déjà ses préoccupations sur le temps qui passe, sur les illusions créées par l’amour. L’influence d’un cercle intellectuel y est très présent, ça fait partie du charme de ce petit roman : Marcel Pagnol est en pleine construction, il décortique son talent brut, y ajoute quelques fioritures qui disparaîtront avec le temps. Le texte offre une sensation très scolaire mais il suffit tout de même à faire passer un très doux moment de lecture.
Déjà ici, le sexe « faible » subit le courroux de l’auteur qui ne rate pas une occasion du haut de son jeune âge de reprocher aux femmes d’être à l’origine de ses moments d’égarements oisifs : comme le jeune Marcel dans Souvenirs d’enfance, marque incontestable de l’avis d’alors du jeune écrivain.

La petite fille aux yeux sombres ne devrait cependant pas être le premier livre lu de Marcel Pagnol : il se savoure bien plus lorsqu’on le lit pour revenir aux sources, aux débuts de l’écrivain. Il n’est pas parfait et montre clairement le manque d’expérience de la vie de Marcel Pagnol, son statut d’étudiant à l’époque. Il se laisse apprécier parce que l’on connaît déjà la plume fabuleuse de Pagnol et qu’on cherche à savoir par quelles étapes elle est passée pour atteindre sa forme finale.

« J’ouvris la porte et m’en fus au plus proche café. Comme je franchissais le seuil, il y eut en moi une vive discussion entre l’ivrogne, le bon vivant, l’hygiéniste et le sportsman, pour savoir si je pouvais boire un petit verre d’alcool. Le prelier tour du scrutin se termina par un ballotage ; mais le barman, en me demandant ce que je voulais boire, me rappela que j’y étais obligé par ma seule présence en ce lieu : ce qui trancha le débat. » p. 94.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

dimanche 19 décembre 2021

Circé de Madeline Miller

Les copains sur A&M ont beaucoup aimé ce livre et je me suis laissé influencer en début d'année, le tout sans regret !



Quatrième de Couverture
Fruit des amours d’un dieu et d’une mortelle, Circé la nymphe grandit parmi les divinités de l’Olympe. Mais son caractère étonne. Détonne. On la dit sorcière, parce qu’elle aime changer les choses. Plus humaine que céleste, parce qu’elle est sensible. En l’exilant sur une île déserte, comme le fut jadis Prométhée pour avoir trop aimé les hommes, ses pairs ne lui ont-ils pas plutôt rendu service ? Là, l’immortelle peut choisir qui elle est. Demi-déesse, certes, mais femme avant tout. Puissante, libre, amoureuse…

Mon avis
Circé est une nymphe, fille du Titan Hélios, dans un monde mystique où déplaire à son père est impensable. Le grand Hélios est terrifiant lorsque sa colère éclate, lui qui rayonne tout en attendant patiemment le jour où les Titans reprendront le dessus sur les Oympiens. Circé cherche chaque jour le bon moment pour obtenir l’approbation de son père, elle qui est la seule dans le monde divin à détonner avec sa voix aux sonorités humaines et son physique « basique ».
Une rencontre avec Prométhée lors de la mise en place de son châtiment va offrir à Circé de nouvelles perspectives. En bravant les lois divines, elle aussi doit expier ses fautes : elle se découvre alors complètement et se bat corps et âme pour s’extraire de sa destinée et choisir sa voie, malgré la cruauté des Dieux.

Madeline Miller nous propose une réécriture du mythe de Circé, la sorcière de l’Iliade qui fait une apparition dans l’épopée du célèbre Ulysse. La réécriture est moderne et s’inscrit dans le processus de réécriture de l’Histoire à travers le regard des femmes, comme une autre de mes lectures de l’année La trahison des dieux de Marion Zimmer Bradley.
Je ne connaissais de Circé que l’épisode des cochons, lu lors de l’étude de l’Iliade en classe de 6ème, à une époque où voir la sorcière au second plan, soumise aux charmes d’Ulysse ne me choquait pas. Plus de quinze ans plus tard j’ai parcouru du chemin et ce livre de Madeline Miller colle pas mal à la femme que je suis devenue. Il est utile que des autrices comme elle se réapproprient des millénaires de littérature pour changer la donne. Si ici il s’agit de mythologie, on peut tout de même faire le parallèle avec l’invisibilisation des femmes dans l’Histoire et c’est d’ailleurs ainsi que c’est écrit :

« Plus tard, des années plus tard, j’entendrais la chanson relatant notre rencontre. Bien que le garçon qui la chantait soit inexpérimenté, manquant les notes plus souvent qu’il ne les réussissait, la douce mélodie des vers resplendissait malgré sa piètre performance. Je ne fus pas étonnée du portrait qu’on y faisait de moi : la fière sorcière d’avouant vaincue devant l’épée du héros, s’agenouillant et demandant grâce. Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favori des poètes. Comme s’il ne pouvait y avoir d’histoire à moins que nous ne rampions en pleurant. » chap. 16, p. 293.

Dans ce roman, l’écriture cristalline de Madeline Miller met en lumière le parcours semé d’embûches de Circé, cette déesse différente, qualifiée de sorcière car elle possède le don de façonner et user de la magie de la nature, un pouvoir que craignent les Dieux. Pour avoir osé s’élever contre les lois divines et avoir métamorphosé des êtres, elle est exilée sur l’île déserte dont elle devient au fil de sa vie la maîtresse et la protectrice. Son châtiment, elle le transforme en libération : loin des autres Dieux, elle peut enfin tracer sa propre voie et devenir elle-même :

« Cette pensée était la suivante : bien que toute ma vie n’ait été qu’opacité et profondeurs, je ne faisais pas partie de cette eau sombre. J’étais simplement une créature vivant à l’intérieur. » chap. 2, p. 39.

Malgré cette sensation d’émancipation, Circé se rend chaque jour compte des manigances des Dieux mais aussi de la faillibilité des hommes. Sa puissance lui permet de tenir la plupart des dangers à distances mais l’implacabilité du destin lui revient régulièrement au visage. Les Dieux sont cruels, ils se gorgent du contrôle qu’ils ont sur le monde et se plaisent à le rappeler sans cesse, principalement après une accalmie feinte.

« Combien de fois devrais-je apprendre cette leçon ? Chacun de mes moments de paix était un mensonge, car il ne dépendait que du bon plaisir des Dieux. Peu importe ce que je faisais et combien de temps je vivrais, au moindre caprice, ils pourraient toujours tendre le bras et disposer de moi à leur guise. » chap. 17, p. 327.

Circé grandit au fil du temps, elle puise en elle des forces insoupçonnées et comprend peu à peu en quoi les humains sont enviables : ils meurent. Savoir que la vie prend fin un jour les pousse à vivre réellement pour eux et à affronter leur destin, ce que Circé cherchera alors à faire tout au long de sa vie. Sa force ne tient pas au fait qu’elle reste debout mais bien qu’elle se relève à chaque fois qu’elle tombe parce que cela vaut mieux que de se soumettre au monde des Dieux. Elle est façonnée par les êtres qui croisent sa route tout comme elle les influence bien plus que ce qu’elle peut croire. Et c’est en ça que Circé décrite par Madeline Miller est une grande héroïne : c’est par son interaction avec les autres qu’elle trace sa voie.

La partie que j’ai le moins aimée est celle avec Ulysse : le héros me gênait, rien ne me plaisait dans ce passage. La suite m’a permis de comprendre pourquoi ma réaction et mes émotions changeaient. Encore une preuve du talent de Madeline Miller et de l’impact de son écriture.

La fin est rapide mais parfaite, elle colle complètement à Circé telle qu’elle est développée au fil des pages. Cette réécriture clairement féministe est agréable même si elle m’a moins transportée que La trahison des dieux de Marion Zimmer Bradley : l’effort de Madeline Miller arrive à une époque assez convenue par rapport à celui de son aînée, à un moment où Circé pourrait être un énième bouquin surfant sur la vague du féminisme du 21ème siècle s’il n’était pas aussi bien écrit.

« On affirme souvent que les femmes sont des créatures délicates, comme les fleurs, les œufs et tout ce qui peut être écrasé dans un moment d’inattention. Si je l’avais jamais cru, ce n’était plus le cas désormais. » chap. 21, p. 449.

J’ai adoré cette lecture malgré mon besoin de me couper des lectures militantes ces derniers mois. Madeline Miller a su me charmer autant que son personnage.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture


lundi 25 octobre 2021

Ashlon de H. Roy

Toujours dans la rédaction rapide de mes lectures d'il y a dix mille ans, voilà un livre que j'avais acheté chez France Loisirs suite à la quatrième de couverture intéressante. Attention cependant, la quatrième de couverture oublie de préciser une chose assez importante : il s'agit surtout d'une romance (et c'est bien dommage).



Quatrième de Couverture
A Aurora, chaque citoyen a sa place, mais une place qui se mérite. L'avenir de Sigal, destinée à transmettre le savoir, semblait tout tracé avant que sa soeur ne fasse une chute fatale. Contrainte de la suppléer au coeur de l'Essaim, le bras armé de la cité, la jeune femme de 18 ans est propulsée dans un univers impitoyable et lutte chaque jour pour se montrer à la hauteur de sa mission.
Lors d'une ronde, le destin met sur sa route un inconnu dont la présence sur le territoire est sans doute illégale. La loi voudrait qu'elle le dénonce, voire qu'elle le tue. Or, pour une raison obscure, Sigal n'est pas certaine de pouvoir s'y résoudre. Et cela pourrait lui valoir de gros ennuis...

Mon avis
Ashlon est un roman qui oscille entre la dystopie et la romance dès les premières pages. Si la première moitié du livre réussit à garder un certain équilibre entre les deux genres, la seconde moitié laisse la romance prendre le pas sur la dystopie par une accélération de l’intrigue qui aurait mérité un peu plus de développement.

L’intrigue, justement, est pleine de promesse : Aurora est un pays où les femmes sont au pouvoir, où elles constituent les principales forces armées, où elles sont le cœur de la cité. En réalité, les faits sont plus complexes et H.Roy cherche à montrer qu’une liberté de ce genre n’est jamais réellement totale. On y retrouve une héroïne face à un choix important : embrasser le destin qu’on lui trace ou saisir celui qu’elle souhaite. Il y a du complot, de l’action, du girl power… Mais aussi du cliché qui fait grincer des dents.

Les clichés sont principalement apportés par la romance, malheureusement. Si la plume de H.Roy est agréable côté intrigue, elle ne m’a pas plus du tout concernant toute la partie romance érotique et c’est à mes yeux sa grosse faiblesse. On passe d’une intrigue cherchant à libérer l’héroïne de ses carcans à des phrases comme « La suite est une énigme opposant une clé rustique à une toute petite serrure… » ou encore « Il libère la colonne lisse de sa virilité ». C’est tout ce que je déteste et pile ce qui ne marche pas sur moi. Je conçois que ça fasse partie des tips de ce genre littéraire mais ce n’est vraiment mais alors vraiment pas pour moi. À chaque fois ça a eu le don de me sortir de l’intrigue sans ménagement. Pour ma défense (ou celle du livre ?) je ne savais pas dans quoi je m’embarquais en lisant ce livre donc c’est un peu de ma faute : quand on pioche au hasard d’une quatrième de couverture, il faut assumer.

Si les dystopies érotico-romantiques sont ton petit plaisir lecture, fonce ! Parce que même si l’intrigue n’a rien de novateur, elle permet quand même de passer un bon moment. Mais si la romance érotique te laisse de marbre ou si, comme moi, elle utilise bien trop souvent des tournures qui t’agacent, n’hésite pas à sauter les passages : ils n’ont pas d’impact sur l’intrigue et peuvent pousser à le reposer un peu trop vite.

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mardi 19 octobre 2021

Et tu entendras le bruit de l'eau de Sophie Jomain

Des fois je me rappelle qu'il y a des tas d'avis lecture que je n'ai toujours pas postés, comme celui-ci. Je me rassure en me disant que ça ne fait pas encore un an que j'ai lu ce livre (mais presque...).



Quatrième de Couverture
Marion Verrier est Fendie Miller. Ou plutôt Fendie Miller est Marion Verrier. Elle ne sait plus trop… Est-elle vraiment devenue cette journaliste assoiffée de scoops que plus rien n’émerveille ? Poussée à bout, Marion craque et décide de s’échapper en baie de Somme. Un bungalow cosy perdu dans la nature pour se retrouver et réfléchir à ce qu’elle va faire de sa vie, voilà tout ce à quoi elle aspire. Mais, au « Bruit de l’eau », Marion découvre qu’elle n’est pas aussi seule qu’elle le pensait ; quelqu’un d’autre a choisi l’écolodge pour s’isoler du monde. Un homme, mystérieux et solitaire, que le destin n’aura de cesse de remettre sur sa route.

Mon avis
Et tu entendras le bruit de l’eau fait partie de ces romans dits feel good où une héroïne plaque sa vie qui va à cent à l’heure pour se ressourcer dans un petit bled au contact de la nature et de personnes qui respirent le naturel. C’est du vu et revu mais ça marche, ce genre de roman rappelle les longues après-midis d’automne et d’hiver, sous un plaid, à regarder les téléfilms sur M6 traitant toujours de ce même sujet.

J’ai lu ce roman l’automne dernier, à cette période où il fait bon se poser quelques heures pour lire un livre qui s’avale à la vitesse de l’éclair, bien au chaud. Et tu entendras le bruit de l’eau n’a rien de novateur mais il fait une partie du boulot qu’on attend de ce roman. Je regrette certaines facilités et m’attendais à plus de passages sur la nature, la petite histoire des phoques gris ayant titillé mon intérêt. Puis, évidemment, la romance n’a pas su s’extirper de la fatalité de deux âmes torturées ne voulant pas de relation mais ne pouvant lutter contre les sentiments forts qui s’invitent… Je trouve vraiment dommage encore une fois de faire semblant d’apporter de la profondeur par les mêmes rouages : c’est si peu vendeur de mettre sur pied une relation sans trois pauvres grains de fausses difficultés ? Est-ce qu’on ne peut pas se contenter de profondeur dans l’introspection des personnages sans qu’il faille en plus en rajouter dans le lien amoureux ? C’est clairement ce qui m’a le plus dérangée, ce côté pseudo drama mystérieux sonnait bien trop faux et aurait eu tout à gagner à ne pas être là : nos deux personnages principaux avaient largement de quoi creuser dans leurs vies personnelles sans avoir à rajouter du « je le veux, moi non plus ». Bon, je sais, ça fait partie du package, mais il arrive parfois que certains bouquins réussissent à faire simple et la simplicité est une vertu, une façon de dire que galérer sur tous les points n’est pas nécessaire dans la vraie vie.

Et tu entendras le bruit de l’eau est le premier roman de Sophie Jomain que je lis et je me dis qu’il faut que je tente ces romans fantastiques pour réellement me faire une idée de son univers. J’ai passé un moment de détente réel en lisant ce livre et c’est tout ce que j’en attendais au départ.

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dimanche 3 octobre 2021

De pierre et d'os de Bérengère Cournut

J’ai lu De pierre et d’os il y a un an. J’avais flashé sur ce livre lors de sa sortie en broché et c’est finalement lorsqu’il est sorti en version poche que j’ai définitivement craqué.



Quatrième de Couverture
Une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune fille inuit de sa famille. Uqsularik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence alors, dans des conditions extrêmes, une aventure qui va faire d’elle une femme.

Mon avis
Ce roman poétique initiatique nous guide à travers la vie d’Uqsuralik, jeune fille Inuit séparée brutalement de sa famille qui entre alors dans l’âge adulte de manière sombre, accompagnée par la saison des nuits sans fin. Les épreuves s’enchaînent, personnifiant parfois avec violence ce que c’est que d’être une jeune femme dans un monde où la cruauté des hommes est contrebalancée par l’entraide. Uqsularik chemine à travers les épreuves de la vie en poursuivant sa quête, à la fois choyée et brutalisée par les croyances de son peuple.

Bérengère Cournut nous offre un roman à la forme particulière, oscillant entre roman, documentaire et recueil de poèmes. Ce format m’a permis de lire le livre pas à pas, à une période où les nuits étaient plus longues, au cœur de l’automne. Je n’ai pas su me glisser dans ce livre comme dans un roman mais plutôt comme dans un récit ancestral grâce aux nombreux détails sur le peuple Inuit glissés au fil des pages. J’ai avancé chapitre par chapitre, comme on déguste un essai. Cette lecture n’a pas été un coup de cœur car elle n’a pas généré suffisamment d’émotions par rapport à ce que j’en attendais mais j’ai quand même apprécié ma lecture.

Les chants offerts au fil de la lecture ont su me charmer et finalement réveiller en moi plus d’émotions que le roman en lui-même et ça me va. C’est d’ailleurs, un an après, ce qui a laissé sa marque dans mes souvenirs, bien plus que le récit en lui-même. Les rites Inuit détaillés au fil de la quête d’Uqsularik ont aussi une saveur certaine.

C’est donc finalement toute la partie plus culturelle du roman qui a marqué ma lecture, sûrement parce que le format permet de la mettre bien plus en valeur que l’histoire elle-même.

De pierre et d’os est un livre qui n’est pas passé inaperçu dans le monde littéraire et on comprend pourquoi : quel que soit l’aspect qui a marqué les lecteurs, il y a suffisamment de facettes à ce livre pour que le plus grand nombre y trouve son compte.

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mardi 31 août 2021

Le Fantôme et Mrs Muir de R. A. Dick

J’ai reçu Le fantôme et Mrs Muir de R. A. Dick dans la box Cosy at Home de Glory Book Box (une des dernières box avant la fermeture du site mais la créatrice n’a pas pour autant arrêté de partager ses découvertes littéraires notamment à travers des balades littéraires).



Quatrième de Couverture
Au début des années 1900, en Angleterre, une jeune et belle veuve, Lucy Muir, décide de louer un cottage dans la station balnéaire de Whitecliff où elle s’installe avec fils, sa fille et sa fidèle servante, Martha, afin d’échapper à sa belle-famille. Dès le premier soir, elle surprend l’apparition du fantôme de l’ancien propriétaire, un capitaine de marine du nom de Daniel Gregg. Se noue alors entre eux une relation d’abord amicale, à peine troublée par quelques bouderies…

Mon avis
Veuve depuis peu, Lucy Muir décide de s’extraire de la pression qu’exercent sur elle ses proches pour partir s’installer sur la côte avec ses deux jeunes enfants, contre leur avis. Fraîchement arrivée, elle tombe amoureuse d’une maison mais le loueur tente de la dissuader d’y vivre seule : une fois encore, elle contourne l’avis des autres et va au bout de son envie.
Une fois sur place, Mrs Muir découvre que les lieux sont hantés par l’ancien propriétaire des lieux, le Capitaine Gregg, dur et froid, agacé de voir que sa demeure est habitée par des inconnus. Le fantôme s’attend à faire fuir sans difficulté les derniers venus, comme tous les autres avant eux, mais c’est sans compter sur la détermination de Lucy Muir qui a décidé de prendre sa vie en main et de s’en tenir à ses décisions contre vents et marées.

Le fantôme et Mrs Muir est un livre qui se déguste pour son écriture ainsi que pour le cadre qui y est dépeint. L’autrice a su rendre ses dialogues vivants et délicieusement piquants, façonnant ses deux personnages principaux avec un superbe souci du détail, faisant voler en éclats les premières impressions. Le rude Capitaine et la douce Mrs Muir s’avèrent finalement être plus nuancés que ce que les personnes autour peuvent croire, inversant même cette tendance au fil du roman. Leur relation illustre parfaitement le compromis, balayant l’idée selon laquelle céder du terrain à l’autre est signe d’abandon.

Le cadre de l’histoire a quelque chose de tout doux, il s’en dégage un parfum d’iode qui titille notre imagination même bien installé sur le canapé. L’air marin humide parcourt notre peau vite réchauffée par l’image d’un feu de cheminée. Une lecture cocooning à l’écriture plus qu’agréable, un moment de détente pur parcouru de sourires arrachés par les joutes verbales. Le fantôme et Mrs Muir a été une lecture parfaite pour l’automne (oui, je l’ai lu il y a presque un an).

Encore une fois, une superbe découverte grâce à la Glory Book Box.

« Ensuite, si vous vous réservez la meilleure chambre de la maison, où est-ce que je coucherai ?
- Dans la meilleure chambre.
- Mais…
- Mais, sacré tonnerre, s’exclama le capitaine, pourquoi pas ? Dieu soit loué, chère madame, je n’ai pas de corps ! Et quand on n’a plus de corps depuis douze ans, o n’a plus de désirs. Vous avez pourtant lu les Saintes Écritures, sapristi ! Alors, vous devez savoir qu’au Ciel il n’est pas question de mariage !
- L’ennui, dit Lucy, c’est que vous n’êtes pas au Ciel !
»

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lundi 16 août 2021

La trahison des dieux de Marion Zimmer Bradley

Et oui, j'existe encore ! J'ai juste beaucoup trop la flemme de rédiger mes avis au fil de l'eau. Mais après tout, ce serait bien dommage de changer les mauvaises habitudes !



Quatrième de Couverture
Dans l'antique ville de Troie, Cassandre, fille du Roi Priam, a le don de voir l'avenir. Elle devient alors prêtresse d'Apollon. Mais un jour, mécontentant le Dieu, elle reçoit une terrible punition : elle a toujours son Don, mais plus personne ne la croira...
C'est alors que son frère, Pâris, ramène sa nouvelle femme, une certaine Hélène...
Cassandre a beau prévenir ses proches, personne ne la croira...

Mon avis
Cassandre, fille du roi Priam, fait partie des mortels choisis par le dieu Apollon. Douée du don de prophétie, elle voit le tragique destin de Troie et sa famille se préparer. Après avoir suivi les Amazones, famille de sa mère, pour grandir, elle devient prêtresse d’Apollon, mais retrouve aussi Pâris. Son frère jumeau va provoquer la chute de Troie, elle le sent.
Au fil des épreuves, Cassandre va voir le destin s’accomplir, impuissante, tiraillée entre sa dévotion pour les dieux et son amour pour les siens.

J’ai démarré cette lecture après avoir entendu maintes fois les louanges de Marion Zimmer Bradley, notamment de la part de ma coloc d’amour (on n’est plus en coloc depuis des années mais c’est un détail). J’avais envie de lire un livre autant pour le fond que pour la forme, en poursuivant sur ma lancée après avoir lu Neil Gaiman. Et c’était une très bonne pioche (non Lo, promis, je n’ai jamais douté de tes recommandations).

La trahison des dieux est une réécriture passionnante de la Guerre de Troie, apportant un nouvel éclairage au mythe. Je n’ai jamais lu L’Iliade mais j’ai eu travaillé sur de nombreux extraits durant ma scolarité et cette réécriture du point de vue féminin sonne juste.
Depuis plusieurs mois, je me tiens éloignée des lectures féministes, que ce soit des essais ou des romans, mais aussi d’autres sujets qui me tenaient à cœur, mon esprit subissant déjà un trop plein de faits d’actualité à digérer. J’appréhendais un peu de me trouver face à une réécriture forçant un peu trop sur le sujet mais cela n’a pas été le cas. Marion Zimmer Bradley montre l’entendu de son génie en faisant passer ses messages de manière naturelle, sans violence, en plantant çà et là les graines de ses réflexions. Les questions qu’elle soulève sont pertinentes et poussent à l’interrogation, par exemple sur le rôle des femmes dans l’histoire.

À travers le personnage de Cassandre, la Guerre de Troie se joue à nouveau sous nos yeux, dévoilant l’étendue de son absurdité, de ses règles sans fin mais, surtout, de la cruauté des Dieux. Marion Zimmer Bradley nous offre un mythe où la tragédie domine, où Cassandre affronte un destin sombre auquel elle ne peut échapper. Elle voudrait lutter mais n’y parvient pas : parce qu’elle est une femme, parce qu’elle connaît la nature implacable de l’avenir, parce qu’elle s’est dévouée aux dieux mais aussi à ses proches.

Cassandre est touchante mais aussi inspirante. Sa force nous guide à travers les épreuves et montre les difficultés de jongler avec chacune de nos prises de position, avec nos choix mais aussi nos doutes. Quoi qu’il arrive, Cassandre reste fidèle à elle-même, malgré le prix qu’elle doit en payer. Elle encaisse les coups la tête haute et sait saisir les miettes de bonheur concédées par les dieux lorsqu’elles sont à sa portée.

Cette réécriture place les femmes au premier plan sans les rendre surhumaines : elle permet simplement de donner une voix à ces actrices trop souvent oubliées par l’Histoire.
Une lecture succulente qui rend justice à celles qui ont été trop longtemps invisibilisées, notamment en mettant en lumière la réappropriation patriarcale faite par les Grecs des divinités d’autres peuples. La Déesse mère de Cassandre est sous les ordres de Zeus dans le panthéon grec, brisant son symbole de source de vie des Hommes, de déesse indomptable.

Un livre remettant bien plus en cause que les messages de la Guerre de Troie. Un livre de génie qui a aussi la très belle qualité d’être écrit avec une douce fluidité, une poésie douce amère décrivant avec beauté l’horreur d’un destin tragique.

« Elle eut alors pour lui un déchirant sourire. Un sourire d’une infinie tendresse, où se lisait aussi l’acceptation sereine de la fatalité. »

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lundi 24 mai 2021

Acquanera de Valentina D'Urbano

J’ai reçu Acquanera de Valentina d’Urbano dans la Glory Book Box Sortilèges & Malédictions.



Quatrième de Couverture
Lorsqu'on découvre dans son village natal un squelette qui pourrait être celui de sa meilleure amie, Fortuna décide de revenir après dix ans d'absence. Elle retrouve le lac sombre, la maison de sa chère grand-mère, Elsa, et l'hostilité de sa mère, Onda. À la recherche de la vérité, elle explore son histoire familiale, celle de quatre générations de femmes marquées par d'étranges dons de voyance...

Mon avis
J’ai immédiatement été happée par ce roman où se mêlent les histoires de quatre femmes : Clara, la vieille sorcière aveugle, sa fille adoptive, Elsa qui semble avoir un don pour les tragédies, Onda, la fille de Clara née le jour de la mort de son père, et Fortuna, la fille d’Onda, qui grandit sans réussir à intercepter l’attention de sa mère si distante et froide.

Lorsqu’un squelette est retrouvé dans son village natal, Fortuna décide de retourner chez elle dans l’espoir de mettre un point final à ses tourments d’enfance. Elle espère pouvoir enfin faire le deuil de l’amour de sa mère et de la disparition de Luce, sa meilleure amie.

Valentina D’Urbano met en scène une famille à travers les générations où la fatalité prend la plus grand place, où elle étouffe les héroïnes et s’agrippe à elles de toutes ses forces. Aucune ne réussit à chasser son destin. Certaines choisissent de l’embrasser complètement mais d’autres préfèrent le contenir dans une boîte semblable à celle de Pandore. Les deux premières parties, concernant Elsa et Onda, sont passionnantes. Leurs épreuves les façonnent, les écorchent peu à peu et montrent que malgré leurs essences proches, les deux femmes évoluent différemment. Lorsque la partie de Fortuna arrive, l’ambiance devient plus pesante, les chapitres sont plus lourds, plus durs à encaisser. Cette sensation est le fruit de la volonté de l’autrice contrairement à ce que je pensais au départ : je n’arrivais pas à saisir pourquoi ma lecture avait changé de rythme et c’est une fois arrivée au point final que tout s’est dénoué. Cette dernière partie peut sembler laborieuse mais c’est volontaire, c’est un moyen de comprendre comment tout peut voler en éclats.
Cette boîte de Pandore contenue trop longtemps finit par exploser au visage de nos héroïnes. Les non-dits et les réticences de chacune ont gâté cette famille. Aucun retour en arrière n’est possible et chacune est consciente de sa part de responsabilité dans le dénouement final.

Une illustration parfaite de ce que les non-dits peuvent déclencher au sein d’une famille, le tout teinté de mystère, dans un village où les préjugés prennent le pas sur la réalité.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

mardi 13 avril 2021

Sorcery of Thorns de Margaret Rogerson

J’ai lu ce livre en novembre 2020 sans prendre de notes, il s’agit donc d’un avis express basé sur mes souvenirs.



Quatrième de Couverture
Elisabeth, élevée au milieu des dangereux grimoires magiques d'une des Grandes Bibliothèques d'Austermeer, le sait depuis son plus jeune âge. D'ailleurs, peu de temps après le passage à la bibliothèque du sorcier Nathaniel Thorn, un des ouvrages se transforme en monstre de cuir et d'encre, semant mort et destruction. Et c'est Elisabeth qui se retrouve accusée de l'avoir libéré. Forcée de comparaître devant la justice à la capitale, elle se retrouve prise au cœur d'une conspiration vieille de plusieurs siècles.
Bien malgré elle, elle n'a d'autre choix que de se tourner vers son ennemi Nathaniel, et son mystérieux serviteur, Silas.
Car ce ne sont pas seulement les Grandes Bibliothèques qui sont en danger, mais le monde entier... et face à ce terrible complot, Elisabeth va devoir remettre en question tout ce qu'elle croyait jusqu'ici, y compris sur elle-même.

Mon avis
Sorcery of Thorns nous propose un univers où les livres traitant de la magie ont leur propre potentiel magique : s’ils sont abîmés, ils se transforment en créatures féroces qu’il faut combattre pour ne pas qu’elle sème mort et désolation. Seulement, une fois vaincue, la créature disparaît tout comme le savoir qu’elle renfermait sous sa forme de livre. Plus la magie traitée dans le livre est puissante, plus le monstre qui va potentiellement en découler sera destructeur. L’univers fait donc la part belle aux livres qui sont animés d’une sorte de volonté propre, qui sont des personnages à part entière et qui jouent le rôle de fil conducteur de l’intrigue : tout ce qu’il faut pour séduire une amoureuse des livres telle que moi.

J’ai lu ce roman d’une traite, au cours d’un weekend, lovée au fond de mon canapé et ne pouvant le lâcher tellement j’ai été happée par l’enchaînement des événements de l’intrigue. Plus que l’intrigue, même, c’est l’univers créé qui m’a fascinée et c’est aussi le principal défaut du roman : on sent la richesse des idées de Margaret Rogerson et on regrette qu’elles ne soient pas plus approfondies. Mais c’est un choix de l’autrice et il n’empêche pas de lire avec avidité le roman. J’aurais aimé bien plus de détails sur l’univers, sur la sorcellerie, sur le fonctionnement de ce monde mais le livre est déjà suffisamment dense et je comprends parfaitement que cela n’aurait pas forcément été nécessaire à l’intrigue.

Elisabeth, notre héroïne, a grandi au milieu des livres de sa bibliothèque et elle a développé avec un lien fort, rappelant aux passionnés de lecture ce lien qui se crée avec nos ouvrages, ce fétichisme que nous avons avec ces amas de papier qui renferment bien plus que des pages et de l’encre. On se fond avec facilité dans l’amour qu’elle leur porte, la douceur avec laquelle elle les traite et c’est tout le point fort de ce roman : titiller le point faible des lecteurs en jouant avec leur passion.
Elisabeth incarne le sens du devoir non pas envers une institution mais envers ces livres qui font son monde, qui l’accompagnent depuis toujours et qui représentent à ses yeux une vraie famille. Elle oscille entre sa loyauté envers la bibliothèque pour laquelle elle a donné toute sa vie et la conviction qu’il y a quelque chose de sombre qui se prépare. N’ayant connu que l’ordre des bibliothèques, il lui faut énormément de courage pour s’extraire des dogmes qui ont dicté sa vie entière, braver les interdits et aller au-delà des codes parce qu’elle sent que c’est ce qu’elle doit faire. Une sorte d’apologie de la désobéissance civile pour servir une cause juste à ses yeux. Et c’est en côtoyant ce qu’on lui a enseigné comme étant le mal suprême qu’elle comprend pas à pas que le manichéisme ne sert en rien la réalité de la vie.

Et pour vaincre la vision binaire du bien contre le mal, le personnage de Silas est parfait. Sans trop en dire, essence même du mal, il nous pousse à nous questionner sur notre vision du monde et sur la notion de déterminisme. C’est le personnage qui m’a le plus fascinée, par ce qu’il représente, par son comportement inhumain (dans son sens littéral) et par sa pleine conscience de sa nature profonde. Réussir à décrire un tel personnage est un coup de maître.

Il y a de nombreuses facilités, la puissance de certains personnages semble être un moyen de résoudre facilement les péripéties semées à travers l’intrigue mais, dans l’ensemble, cela ne m’a pas posé de problème.

Sorcery of Thorns est un chouette roman, pas forcément inoubliable mais dont le côté page turner a su rendre ce weekend de lecture fabuleux. Il n’y a rien que j’aime le plus au monde que de lire avec avidité un livre, de ne pas pouvoir le lâcher tant que je n’ai pas tourné la dernière page. Ce n’est pas gage de qualité exceptionnelle pour mes lectures mais c’est finalement une qualité que je préfère à l’excellence d’une histoire. C’est un peu comme la musique : elle peut être banale mais si elle a le mérite de me faire bouger dès la première note, alors elle atteint son but.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

vendredi 9 avril 2021

Neverwhere de Neil Gaiman

J’ai lu Neverwhere de Neil Gaiman par une forte envie de me plonger dans du fantastique de bonne qualité (mon année 2020 a été marquée par des lectures qui n’étaient pas toutes rangées dans la catégorie de la lecture de grand cru) et je savais qu’en misant sur Gaiman j’avais de grandes chances de passer un bon moment.
J’ai pioché ce livre dans ma PàL fort ancienne (j’ai acheté ce livre en 2013 ou 2014 je crois) pour me concentrer aussi sur mon challenge de l’année qui est de lire au moins 15 livres achetés avant 2021.



Quatrième de Couverture
Richard Mayhew vit à Londres une vie sans histoire, travaille dans un bureau, s'apprête à se marier, lorsqu'il sauve la vie de Porte, une jeune fille qui a le don de savoir ouvrir tout ce qui peut s'ouvrir. Cet évènement fait basculer sa vie. Sa fiancée le quitte, ses proches ne le voient plus, sa vie semble n'avoir jamais existé.
Il découvre alors qu'il existe un Londres d'En Bas, souterrain, peuplé de mendiants qui parlent aux rats, et de toute une société féodale et magique. Il décide de suivre Porte à la recherche des assassins de son père, dans l'espoir de trouver un moyen de reprendre une vie normale.

Mon avis
Richard Mayhew mène une vie bien rangée à Londres où il fait pile ce que l’on attend de lui et suit une voie toute tracée : obtenir une promotion méritée, épouser sa fiancée qui gère au millimètre près tout ce qui touche à leur couple, préparer sa délocalisation en banlieue pour ensuite y élever leurs futurs enfants… Rien ne s’écarte du plan initial jusqu’au soir où Richard croise la route de Porte, une jeune femme à qui il sauve la vie en prenant pour la toute première fois de son existence un risque. Il se retrouve alors propulsé dans la face cachée du Londres d’en Bas où chaque personne y mettant les pieds se voit effacée de la vie « normale ».

Neverwhere m’a fait replonger dans le plaisir du fantastique, celui où je me suis laissé guider par l’auteur sans savoir vers quels confins Neil Gaiman souhaitait me guider et le tout avec un plaisir tout à fait avouable. Il m’avait manqué, ce genre littéraire qui nous entraîne dans un tourbillon de mystères et qui efface tous nos repères avec une facilité déconcertante !

Neil Gaiman dessine un univers londonien aussi fascinant que mystérieux qui se dévoile peu à peu tandis que l’on suit les pas de Richard, ce personnage qui colle parfaitement à l’adjectif « normal » et qui est aussi perdu que nous, lecteurs, tout au long de l’intrigue. Mais être perdu ne signifie pas que cela pose problème : Richard s’en accommode parfaitement et c’est aussi là tout le plaisir de cette lecture. On suit l’intrigue en ayant les mêmes repères que Richard, c’est-à-dire le peu d’informations qu’accepte de nous distiller l’auteur et c’est ainsi que l’on se retrouve complètement fondus dans le cheminement de Richard : tout est différent, perturbant, déroutant même et c’est un régal. L’état d’esprit de Richard devient le nôtre et les aventures qu’il subit plus qu’il ne vit nous entraînent sans la moindre anicroche dans cet univers incompréhensible. Et c’est là tout le génie de Neil Gaiman : nous faire accepter un univers dont il ne nous donne pas les clés, nous faire suivre le déroulement de l’intrigue sans qu’à aucun moment on ne soit gênés par cette impossibilité à comprendre tout ce qu’il se passe. Richard se laisse porter par la quête qui ne le concerne pas, il est ici par un mauvais coup du hasard et accepte le tout sans chercher à comprendre tout ce qu’il découvre : on fait exactement comme lui et c’est fichtrement agréable.

Cependant, se laisser porter par l’intrigue n’empêche pas Richard d’évoluer à pas de géant en très peu de temps. S’il apporte son aide à Porte et ses compagnons dans leur quête en espérant pouvoir à la fin retrouver sa vie bien rangée, il découvre à leur contact que la vie peut offrir bien plus qu’une simple voie toute tracée. Il se découvre, aussi, réalisant que le courage ne se résume pas à choisir la sinuosité mais plutôt à savoir l’affronter. Peut-on rejoindre à nouveau la ligne droite lorsqu’on a compris que la voie de l’aventure a peut-être plus de sens ?

Neverwhere est une histoire délicieusement écrite permettant de mettre en perspective le sens de la vie et la façon dont on choisit de la mener. Parce que c’est bien le choix qui importe, le jour où l’on se rend compte qu’on a le pouvoir de le faire.

Gaiman est définitivement devenu un auteur que je relirai avec plaisir. Je n’ai pas disserté sur le style, mais il est toujours aussi prenant, bourré d’humour et de descriptions délicieuses. Bref, un auteur qui intègre ma liste des gens à relire !

Les avis des Accros & Mordus de Lecture


mercredi 17 mars 2021

Les Sorcières de North Hampton de Melissa De La Cruz

J’ai lu cette trilogie en pleine période d’Halloween, moment où j’ai toujours envie de me plonger dans des histoires de sorcières.



Quatrième de Couverture
Ingrid, l’aînée, aidée d’un mystérieux aide, découvre des secrets restés enfouis dans la bibliothèque où elle travaille.
Joanna Beauchamp et ses filles Ingrid et Freya vivent à North Hampton, à la pointe de l’île de Long Island. La ville, belle et brumeuse, semble comme figée dans le temps, et les trois femmes y mènent une vie en apparence paisible.
En réalité elles sont de puissantes sorcières. Joanna peut ressusciter les morts et guérir les blessures graves. Ingrid, passionnée de livres, prédit le futur et tisse des fils qui résolvent les problèmes d’infertilité et d’infidélité. Enfin Freya, la fille rebelle, possède les charmes et potions capables de guérir les peines de cœur.
Mais depuis des centaines d’années, les trois femmes n’ont pas le droit d’utiliser leurs pouvoirs. Jusqu’au jour où Freya, partagée entre deux frères séduisants, et prise dans un dangereux jeu de désir, met son secret en péril. Ingrid et Joanna connaissent le même dilemme, et les femmes de la famille Beauchamp comprennent qu’elles ne peuvent plus dissimuler leur nature profonde. Elles récupèrent leur baguette magique au grenier, nettoient leur balais et commencent à lancer des sorts sur les gens de la ville. Au départ plutôt des petits sorts simples et bienveillants. Mais des attaques violentes troublent bientôt North Hampton, et quand une jeune fille disparaît le week-end du 4 juillet, Joanna, Ingrid et Freya décident de découvrir qui et quelles forces maléfiques œuvrent contre elles.

Mon avis
Freya et Ingrid Beauchamp sont deux sœurs diamétralement opposées, à ceci près qu’elles sont ce qu’on pourrait appeler des sorcières : elles tissent des sorts, concoctent charmes et potions et sont poursuivis par un implacable destin qui semble sans cesse les rattraper. Elles sont en réalité des divinités nordiques piégées sur Terre, comme le reste de leur famille. Elles reviennent à la vie après leur mort, ne perdant ni leurs souvenirs, ni leurs pouvoirs. Quoi qu’il puisse leur arriver, leur passé divin n’est jamais bien loin.

J’avais regardé il y a quelques années la série Witches of East End dont le début était prometteur mais qui est vite partie en sucette : je ne suis jamais allée au bout de l’histoire. J’ai tout de même choisi de lire les bouquins en misant sur le mythe qui veut que les livres sont toujours mieux que leurs adaptations. Spoiler : ce n’est pas le cas ici.

La série avait eu la bonne idée de faire oublier à Freya et Ingrid leurs vies antérieures pour justifier leur naïveté mais ce n’est pas le cas dans les romans. C’est le gros point noir de cette saga : les deux sœurs ont tous leurs souvenirs et il devient difficile de rendre leur crédulité cohérente.
Freya et Ingrid sont coincées dans une abominable immaturité depuis des milliers d’années et n’apprennent jamais de leurs erreurs. Après tant de temps, il est difficile de suivre leurs aventures et de comprendre comment elles peuvent être si stupides. Leurs réactions sont incompréhensibles et on cherche encore la cohérence de leurs actes et leurs caractères quand on fait le bilan de leur vécu : ce sont des déesses après tout. Cette sensation colle à la peau tout au long des trois tomes : un jeune adulte peut être inconséquent dans ses actes et pensées en misant sur la naïveté, pas des êtres divins qui ont des milliers d’années dans un monde qui est le nôtre. Ce point aurait pu être intéressant si un parallèle avait été fait avec les mythes qui décrivent des dieux jaloux, mesquins et immatures mais non, ici, on essaie de nous faire croire que les personnages sont géniaux.
Malheureusement, les idées intéressantes de l’intrigue pâtissent de l’insipidité des personnages (Freya et Ingrid ne sont pas les seules à être creuses comme des radis) et la lecture en devient laborieuse.

L’univers avait du potentiel mais les personnages ne sont tristement jamais à la hauteur. Tous les êtres du panthéon nordique dépeints dans cette trilogie sont à pleurer. Il y a une telle dissonance entre leur nature et la platitude de leurs histoires au fil des tomes que suivre certaines micro-intrigues devient un calvaire. Et le dénouement final est à la hauteur des trois tomes, sans relief.
Ceci dit, cette lecture aura eu le mérite de mettre mon cerveau sur off, ce qui a au moins rempli une partie de mes attentes.

À lire uniquement pour déconnecter si on est capable de passer outre la disparition de la notion de cohérence.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

dimanche 31 janvier 2021

Boudicca de Jean-Laurent Del Socorro

Je l’avoue, c’est la couverture de cette magnifique édition collector qui a attiré mon regard en premier. Couverture rigide, couleurs chatoyantes, lettres dorées… Puis le résumé offert sur le bandeau promo du livre a su me convaincre.



Quatrième de Couverture
Angleterre, an I. Après la Gaule, l’Empire romain entend se rendre maître de l’île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l’empire des aigles jusqu’à Rome ? À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudicca est la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd’hui encore la révolte.

Mon avis
Boudicca, personnage historique plus connu chez nous sous le nom de Boadicée, naît à l’époque où le destin de la Grande-Bretagne s’apprête à basculer face à l’Empire Romain. Enfant, elle voit les Romains envahir peu à peu sa grande île celte. Reine des Icènes, elle exècre ensuite voir les clans voisins mais aussi le sien courber l’échine face à l’envahisseur. À la mort de son mari, elle est fouettée et humiliée pour avoir osé faire valoir les droits de son clan, ses filles sont plus meurtries encore. La goutte de trop. Guerrière dans l’âme, Boudicca lève une armée et brûle chaque symbole romain présent sur sa route jusqu’à ce qu’elle soit défaite. De sa naissance à sa mort, Boudicca est la fière illustration d’une reine guerrière fidèle à ses valeurs.

J’ai plongé tête la première dans l’histoire de Boudicca sans connaître le moindre fait de sa vie. Jean-Laurent Del Socorro nous offre sa biographie légèrement romancée, agrémentée d’une touche de mysticisme en lui donnant une voix.
De sa naissance à sa mort, Boudicca avance dans la vie en affrontant les épreuves faisant d’elle une figure forte, façonnant la Reine guerrière qui impose le respect mais surtout fait naître une admiration sans limite autour d’elle. Dans le monde celte, femmes et hommes sont égaux, rois et reines ont les mêmes devoirs ainsi que les mêmes droits. Chez les Romains, les femmes sont absentes des lieux de décision : Boudicca n’en voit aucune sur le champ de bataille ou dans les tentes des généraux. Elle comprend que son rôle de reine n’a aucune valeur à leurs yeux. En la sous-estimant parce que femme, les Romains pensent pouvoir la soumettre : mais plutôt que de la faire plier, ils réussissent à embraser la Reine des Icènes.

Au fil des pages, on suit la rage croissante qui se niche en Boudicca, cette frustration dévorante et violente qui l’habite depuis toujours et se nourrit de chacune de ses chutes, de ses déconvenues. Depuis les choix de son père jusqu’à l’accord signé par son mari avec les Romains, Boudicca frémit, elle bout. Chaque fibre de son être est l’écho de sa haine envers la situation : contrairement à eux, elle n’aurait pas choisi la voie de la raison. C’est son cœur de guerrière qui la pousse à se battre aux côtés des rebelles et c’est en acceptant la défaite qu’elle revient vers sa famille lorsque l’envahisseur gagne.
Lorsque les règles ne sont pas respectées, c’est une soif de justice mais surtout de vengeance qui permet à Boudicca de soulever des montagnes, de rassembler les peuples et de faire frémir Rome en montrant la puissance des Celtes mais, surtout, en étant un symbole capable de rassembler et d’inspirer.

Jean-Laurent Del Socorro a su remplir les vides laissés par l’histoire de sa plume et rendre un hommage intime et distant à la fois à Boudicca. Il dresse un portrait palpable de cette héroïne qui est encore aujourd’hui tout un symbole pour les Britanniques. La Reine des Icènes incarne le courage et la révolte, elle personnifie la résistance celte face à l’arrivée des Romains. Elle est aussi cette héroïne qui rappelle que les femmes ont été placées en bas de l’échelle sociale pour être écartées du pouvoir dans certaines cultures alors qu’elles y avaient droit dans d’autres et où elles étaient une menace pour les envahisseurs. Avec efficacité et justesse, l’auteur nous permet de découvrir une grande figure de l’histoire et on ne peut s’empêcher de s’inspirer de Boudicca pour s’élever encore aujourd’hui face à tout ce qui peut nous révolter. L’histoire n’est-elle qu’un éternel recommencement ?

« Alors que la rencontre avance vers son issue inévitable, j’observe, inquiète, l’absence de femmes dans les rangs des Romains. En nous soumettant à l’empereur Claudicus, les rois renoncent à leur autonomie mais gardent leurs privilèges. J’ai le sentiment que les reines perdront davantage si elles ne font rien pour défendre leur place dans ce monde que l’aigle veut façonner à son image. »

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

mercredi 27 janvier 2021

Flic de Valentin Gendrot

Lorsque Flic de Valentin Gendrot est sorti, je me suis dit que le lire permettrait peut-être d’apporter un nouvel éclairage à la situation policière des plus tendues en France, se dégradant d’années en années. Entre les témoignages des deux bords que j’ai pu entendre (et pas juste lire dans la presse), les images, les faits… J’avais envie de voir ce qu’un journaliste en immersion pouvait apporter de plus à l’édifice effrayant de la fracture chaque jour plus large que connaît notre société… J’ai lu ce livre il y a plusieurs mois, lors de sa sortie.



Quatrième de Couverture
Jusqu'à présent aucun journaliste ne s'était lancé un tel défi : infiltrer la police. Valentin Gendrot, adepte des reportages en immersion, a osé. Il a suivi une formation express avant d'intégrer un commissariat durant six mois. Celui du 19e arrondissement de Paris, un secteur réputé sensible. Une arme à la ceinture, le journaliste sous couverture a rejoint une brigade dont certains membres tutoient, insultent et distribuent régulièrement des coups à des jeunes hommes noirs, d'origine arabe ou migrants qu'ils surnomment "les batards".

Ce livre dévoile les coulisses d'une profession souvent accusée de violences, de racisme et aux taux de suicide anormalement élevé. Un récit urgent, tant pour les victimes des violences policières que pour les policiers eux-mêmes.

Mon avis
Valentin Gendrot est un journaliste habitué aux missions d’infiltration. Il a choisi pour celle-ci d’intégrer directement la police en tant qu’adjoint de sécurité, un poste de contractuel lui permettant après une formation express de trois mois d’intégrer une équipe pour alimenter son enquête.

J’attendais de ce livre qu’il apporte des informations inédites sur les rouages de la police, sur les difficultés et problèmes de recrutement ainsi que sur l’usage à outrance de contractuels dans la fonction publique et ses dérives (puisque la police n’est pas le seul secteur touché par ce fonctionnement, l’exemple de l’éducation nationale étant aussi édifiant).

Flic est vendu comme une enquête inédite, un pavé lancé dans la mare mais le seul fait inédit qui en découle est l’acte d’infiltration (qui est tout de même une prouesse en soi). Les informations distillées dans les pages de ce livre ne sont ensuite pas novatrices : peut-être suis-je déjà trop bien informée sur le sujet ? Quoi qu’il en soit, j’ai eu l’impression de lire une compilation d’articles déjà vus (et c’est d’ailleurs réellement le cas de certains passages). Pour toute personne qui n’a aucune idée de la situation actuelle, de la dégradation des conditions de travail dans la fonction publique, cette enquête peut-être un bon point de départ pour commencer à comprendre le pourquoi du comment. Pour le lecteur déjà sensibilisé sur le sujet et qui veut en apprendre plus, ce n’est pas le livre idéal.

Du point de vue du non initié, Flic est une plongée vers l’absurde du monde des forces de l’ordre. Les postes de fonctionnaire de suffisent pas à remplir les rangs de la police et l’état recrute au rabais de petites mains pour épauler ses troupes. Ces postes de contractuels font de l’état une immense boîte d’intérim via une sorte de concours express, de formation au rabais, condensée au maximum et donnant l’impression de lancer sur le terrain des personnes ayant obtenu leur laisser-passer dans un kinder surprise. Dans le lot, il y a ceux qui hésitent à réellement se lancer dans le concours de Gardien de la Paix mais aussi ceux qui n’ont pas le niveau pour le concours externe ou, pire, pour le concours interne une fois déjà ADS. Et là, c’est dramatique pour notre système. Les profils des candidats sont effrayants, le contenu de la formation est aussi fin que du papier et le résultat… À la hauteur de la politique intérieure foireuse des gouvernements successifs de ces dernières années.

Une fois en poste, Valentin Gendrot entre sur la piste de ce cirque que nous appelions autrefois police. Son premier poste n’est pas le plus intéressant pour son enquête, consistant simplement à surveiller des personnes hospitalisées compte tenu de leur état psychologique fragile lors de leur arrestation. C’est en se faisant muter dans un commissariat que les choses sérieuses commencent et que le journaliste découvre l’absurdité de la police de nos jours : choisir de se faire bouffer par les collègues s’il n’entre pas dans l’ambiance de son équipe et/ou se faire bouffer par le contact à la population sur laquelle les policiers apprennent à évacuer leur frustration à défaut d’avoir un rythme de vie permettant de le faire dans leurs loisirs. Et cette population est évidemment ciblée, elle permet de ne pas trop culpabiliser : après tout, en quoi secouer un « voyou » est-il un problème et qui ira s’en plaindre ?

Ce qui est frustrant en lisant cette enquête, c’est de suivre le journaliste comme spectateur et de le voir prendre des notes sur des faits que l’on connaît déjà. Certains diront que ça apporte du concret à ce qu’on entend partout. Mais est-ce que ce n’est pas alors avouer apporter peu de crédit au travail de ses collègues journalistes ? Est-ce que ce n’est pas dire « ouais mais lui il l’a vu de l’intérieur pour de vrai » ? Les témoignages et enquêtes sont déjà nombreux, a-t-on réellement besoin de quelqu’un qui dit « j’ai vu tout ça c’est vrai » pour enfin y croire ? Je n’avais pas besoin de lire Flic pour ça. Mais tant mieux si des lecteurs sceptiques peuvent avec ce livre accepter la réalité. Je regrette simplement que ce livre ait été vendu comme une pépite pour tous, alors qu’elle l’est à mes yeux uniquement pour ceux qui ne sont pas encore conscients de la réalité.

Cette réalité où la police déborde dans tous les sens du terme : dans ses actes mais aussi par la pression qu’elle subit. On est au-delà du bon ou du mauvais flic, on est sur le point de rupture du trio qui ne fonctionne plus : l’état, la population et la police. C’est bien au-delà de notre société qui se casse la gueule, c’est le reflet de notre monde dans sa totalité qui se penche au-dessus du vide. À défaut d’apporter un nouvel angle ou même ne serait-ce qu’une enquête avec un œil critique, Valentin Gendrot offre un énième témoignage de la chute de la police française, gentiment poussée par une pichenette grossière de l’état, coupable d’avoir grandement participé à sa détérioration.

Je regrette le manque d’analyse de cette enquête qui m’a donné l’impression d’un simple listing des problèmes croisés par le journaliste mais je salue l’effort et le partage de la réalité que tout le monde ne veut pas encore voir.

À lire uniquement si vous ne savez rien de la police aujourd’hui.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

samedi 23 janvier 2021

La boîte à musique, Tome 1 : Bienvenue à Pandorient de Gijé & Carbone

Je progresse tout doucement dans l’univers de la bande dessinée que j’essaie de découvrir peu à peu et j’ai jeté mon dévolu sur La boîte à musique de Gijé et Carbone, attirée par la beauté de la couverture comme un papillon de nuit par la lumière.



Quatrième de Couverture
Pour son 8e anniversaire, Nola reçoit un magnifique cadeau : la boîte à musique de sa maman Annah.
Quelle mélodie enchanteresse !
Mais à y regarder de plus près, une petite fille gesticule à l’intérieur et appelle au secours…
En suivant ses instructions, Nola rapetisse et entre dans la boîte à musique.
Elle découvre alors Pandorient, un monde fabuleux mais aussi dangereux…


Mon avis
On rencontre Nola, 8 ans, qui a récemment perdu sa maman. Pour son anniversaire, son papa lui offre une boîte à musique ayant appartenu à Annah, sa maman. Alors qu’elle jour avec la boîte, Nola découvre à l’intérieur une toute petite fille qui lui demande son aide. C’est ainsi que Nola pénètre dans le monde mystérieux de Pandorient…

La première chose qui m’a frappée, ce sont les couleurs. Elles sont superbes, envoûtantes, et racontent à elles seules beaucoup de l’histoire. Le monde Nola est fait de nuances froides, rappelant la dureté de sa réalité, la perte de sa maman. Mais malgré ces teintes, l’ambiance reste douce, elle a ce qu’il faut d’intime pour pénétrer dans la vie de Nola à pas feutrés. Tout en contraste, le monde de Pandorient dans lequel pénètre Nola est fait de couleurs chatoyantes et vives, donnant de l’intensité à l’aventure qu’elle y vit et accentuant le fait qu’elle oublie pendant quelques temps son deuil pour foncer dans cette histoire à toute allure. Et ce qui frappe encore, ce sont les expressions de son visage qui témoignent de chacune de ses découvertes, des êtres étranges qui peuplent ce monde qu’elle ne peut prendre le temps de découvrir tant la situation s’accélère. Ces expressions si communicatives qui tranchent avec la tristesse constante sur le visage de Nola dans les premières pages.

Rien qu’à travers ces esquisses, on comprend où va nous mener cette série de BD : vers l’histoire secrète de la maman de Nola, une découverte de cette vie cachée qui va permettre à la petite fille de garder le lien avec cette mère disparue tout en faisant peu à peu son deuil. Le premier tome n’est qu’une introduction, un aperçu rapide du monde de Pandorient qui permet à Nola de sortir de sa bulle de tristesse un temps afin de vivre une aventure folle. Je regrette tout de même que ce premier tome aille si vite, qu’il ne nous offre qu’un tout petit aperçu de l’univers de Pandorient mais j’ai vraiment aimé amasser plus de détails grâce aux dessins, moi qui suis principalement une amatrice de mots.

Cette BD s’adresse à des enfants, et c’est peut-être le seul problème que j’ai eu avec puisque j’aurais aimé en voir plus. En réalité, il y a juste ce qu’il faut pour un jeune public et c’est quand même avec plaisir que je lirai la suite.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

mercredi 20 janvier 2021

Les deus soeurs, Tome 2 : Sorcière de Marie Brennan

Je suis allée au bout de la saga Les deux sœurs de Marie Brennan des années après l'avoir mise sur ma wish list et je suis bien contente !



Quatrième de Couverture
Les extraordinaires talents de Mirei en font maintenant la magicienne la plus puissante qui soit. Pour certains, elle est un miracle vivant ; pour d’autres, une abomination et l’incarnation du Mal… et ils ont fait vœu de détruire tous ceux qui la soutiennent. Les sorcières des deux camps s’engagent dans une guerre sanglante, sans merci, et pour la gagner elles recourent sans hésiter à la magie, la traîtrise, le meurtre. Mais il se pourrait que ces adversaires s’affrontent pour rien. Car le pouvoir que redoutent les sorcières rebelles, cette magie ultime qui n’appartient qu’à Mirei, ce don, est aussi son arrêt de mort.


Mon avis
Miryo et Mirage ont rassemblé leur âme en un seul corps, Mirei, qui est désormais une sorcière unique en son genre, la seule à être complète, à avoir réussi à réunir les deux parts d’elle-même. Malheureusement, tout le monde à la Chute de l’Étoile n’accepte pas cette nouveauté. Deux Primes quittent le navire et sont prêtes à tout pour combattre Mirei, qu’elles considèrent comme une abomination. Une course contre la montre débute pour réunir les sosies afin de les protéger et les préparer à un avenir inédit mais incertain.

Comme le premier tome, Sorcière souffre d’un problème de transposition des idées de l’autrice. L’ensemble est plat malgré des événements qui s’enchaînent. Les idées sont là, intéressantes, prometteuses, mais elles ne sont pas suffisamment décrites, approfondies. On sent plus encore toute l’ampleur de l’univers qui a pris naissance dans l’esprit de Marie Brennan et je regrette vraiment qu’elle n’ait pas su rendre l’écriture aussi précise que ce qu’il semble y avoir dans sa tête. Les idées politiques ainsi que les rouages diplomatiques sont survolés, mal amenés et nous perdent dans des détails survolés alors qu’ils auraient mérité d’être détaillés. Ce qui est difficile à expliquer, c’est que ce n’est pas le manque de profondeur dans ses idées qui me dérange, mais vraiment son incapacité à transmettre le fil de tout son univers parce qu’on sent vraiment que rien n’est laissé au hasard, que tout s’imbrique parfaitement dans la tête de Marie Brennan, c’est très frustrant. Et c’est sûrement ce qui fait la différence entre avoir des idées et savoir les transmettre à travers un bon roman.

J’ai moins apprécié la lecture de ce tome mais j’ai tout de même aimé l’intrigue dans son ensemble. Je suis allée au bout parce que les idées de base sont bonnes, parce que le rapport à la magie a su piquer ma curiosité. Je regrette quand même beaucoup que, comme beaucoup d’autres détails, les explications sur le monde des Cousines aient été expédiées en quelques lignes. J’attendais beaucoup de cette partie et je n’ai rien eu à me mettre sous la dent.

Malgré tout, je tiens à souligner un gros point positif : le fait que Mirei soit une héroïne qui s’accomplit sans avoir besoin d’une quête amoureuse. Et c’est d’ailleurs ce qui me rappelle que j’ai choisi de me replonger dans la fantasy pure pour m’éloigner des sagas dont le penchant young adult finit toujours par placer une intrigue amoureuse au premier plan. Dans Les deux sœurs, c’est tout sauf ça et ça fait du bien. C’est merveilleux de lire une saga où l’héroïne devient une femme complète en dehors d’un besoin de se rattacher à un lien amoureux.

Je pense que j’essaierai de lire ce qu’a publié ensuite Marie Brennan parce que son imagination a énormément de potentiel et que j’ai espoir de pouvoir pénétrer dans son univers de façon complète.

Chronique Tome 1
Les avis des Accros & Mordus de Lecture

dimanche 17 janvier 2021

Les deux soeurs, Tome 1 : Guerrière de Marie Brennan

Les deux sœurs de Marie Brennan était sur ma wish list depuis des années, cette longue liste à laquelle j’ajoute chaque année des tas de titres. J’y fais du tri de temps en temps et cette duologie me tentant toujours quelques années après, j’ai décidé d’enfin la lire, pour retrouver la fantasy sans le côté young adult dont je me suis clairement lassée.



Quatrième de Couverture
Quand une sorcière naît, un double d'elle-même naît aussi. Pour que la sorcière ait l'intégralité de ses pouvoirs, son double doit périr. Mais que se passe-t-il lorsque le double survit ? Mirage exerce une profession assez singulière : elle est chasseuse de primes. Sa vie dépend de ses talents de tueuse et de son intelligence, et Mirage atteint toujours sa cible. Mais son nouveau contrat va l'entraîner dans le monde ténébreux des sorcières, là où sa force et son habileté risquent de ne pas suffire pour vaincre la magie. Miryo est une sorcière qui vient de rater son examen d'initiation. Désormais elle sait qu'il existe en ce monde un être semblable à elle, un être qui est son double : Mirage. Et si elle veut obtenir la pleine maîtrise de ses pouvoirs, Miryo n'a qu'une solution: chasser la chasseresse, et la détruire.


Mon avis
Mirage est une chasseuse, une guerrière du Feu d’Argent qui remplit des contrats depuis la fin de sa formation. Rousse, elle déteste les sorcières et les fuit, exécrant le fait qu’on l’assimile à ce groupe à cause de la couleur de ses cheveux depuis petite. Exceptionnellement douée, ses aptitudes au combat et ses réflexes font intégralement partie de ce qu’elle est.
Miryo est une élève sorcière aux portes de son examen d’initiation, celui qui lui donnera enfin accès au pouvoir après une longue formation. Seulement, elle rate son examen, elle ne peut contrôler le pouvoir : il existe dans le monde une autre part d’elle-même, un sosie avec qui elle partage son âme. Tant que ce double d’elle non magique vivra, elle ne pourra pas être une vraie sorcière : pour enfin parvenir à contrôler le pouvoir, elle doit tuer ce sosie.
Lorsque Mirage accepte une mission visant à démasquer l’assassin d’une sorcière, sa vie est bouleversée par sa rencontre avec Miryo, sa moitié sorcière…

L’univers mis en place dans ce premier tome est très riche et plutôt bien ficelé, parfois même trop dans la tête de l’autrice et pas suffisamment expliqué sur le papier. On sent qu’il y a tout un monde complexe dans l’imaginaire de Marie Brennan mais parfois, j’ai perdu le fil de certains détails, des choses évidentes pour la créatrice et pas forcément pour le lecteur.
Et c’est la même chose pour les personnages : on sent qu’ils ont une profondeur, qu’ils sont travaillés mais on ne réussit pas à toucher du doigt leur complexité, leur description est laissée de côté au profit de l’intrigue. L’alternance entre Mirage et Miryo nous montre qu’il s’agit de deux faces d’une même pièce mais ça ne prend pas pour les mêmes raisons que le reste : c’est clair dans la tête de l’autrice mais elle n’a pas su coucher sur papier tout ce qu’il fallait pour que ça le soit pour nous et chaque parallèle entre les deux personnalités perd en subtilité.

L’univers de ce tome a tout pour plaire mais, le problème a été pour moi l’écriture. J’ai eu cette impression d’exercice de transposition manqué entre les idées de Marie Brennan et ce qu’elle réussit à transmettre. L’écriture m’a paru plate, fade et, pourtant, ce n’est pas mal écrit, c’est juste que la magie n’opère pas. Le mélange entre la narration à la troisième personne et les pensées des personnages est mal utilisé, c’est trop abrupt, ça casse le rythme de lecture. Rien dans l’écriture n’a su me plaire. C’est l’intrigue qui m’a permis de poursuivre ma lecture parce qu’il y a vraiment quelque chose, une idée plaisante, une envie de comprendre ce qui a traversé l’esprit de Marie Brennan.

Et au-delà de l’intrigue même, les messages de fond mis en place à travers l’histoire sont assez intéressants. Marie Brennan aborde la problématique des dogmes ancestraux qui peuvent finir par dévier de la foi initiale : en suivant des directives érigées par la première sorcière à partir de son expérience avec la Déesse, les sorcières suivantes ont perdu avec le temps le lien d’origine en se concentrant uniquement sur des retranscriptions, sans remettre en question les préceptes suivis. C’est un axe de réflexion qui a le mérite d’être très actuel, dans un monde où les dogmes semblent plus puissants que la foi de chacun, finissant par mener à un fanatisme religieux dangereux.

En laissant de côté l’écriture, j’ai aimé me plonger dans cet univers. J’ai réussi à aller jusqu’au bout parce que les idées de fond sont très riches et ont su capter mon attention. Lire de la fantasy m’avait manqué et il faut que je me décide enfin à lire des épopées plus qualitatives, plus en accord avec mes attentes. Mais avant ça, il y a le second tome de cette duologie !

« - Les prêtresses nous disent que la Déesse, bien qu'étant la Mère, n'est pas 'notre' mère. Elle ne nous prendra jamais par la main, elle ne nous aidera jamais à avancer dans la vie. Nous devons accepter de nous élever et de chuter de nos propres succès et nos propres erreurs. J'ai la certitude qu'elle sera peinée si elle voit que nous nous égarons, mais elle ne fera rien pour y remédier. Pas tant que nous ne serons pas prêtes à écouter.
Satomi frissonna longuement.
- C'est cruel.
Oui, c'était cruel. Et Mirei n'avait rien à proposer pour adoucir cette désillusion.
»

Chronique Tome 2
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