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Rambalh, c'est un pot pourri de mes lectures, un blog pour partager mes coups de coeur et de gueule. Rambalh signifie Bordel en Occitan et c'est un peu le cas de ce blog. Il est surtout né de mon besoin de garder une trace de mes lectures. Retrouvez-moi aussi sur Accros & Mordus de Lecture.

dimanche 30 juin 2019

Personne n'a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé

Voici encore une lecture que je dois au croisement de La Grande Librairie et de La Comédie du Livre de Montpellier où Véronique Ovaldé a usé de sa carte blanche avec brio. Fascinée par sa façon de présenter ses convictions, son écriture mais aussi le travail des autres, j’ai acheté en très peu de temps beaucoup de ses livres et celui-ci est le premier que je lis d’elle.



Quatrième de Couverture
Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine? Quelle menace fuit-elle? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever le voile sur la mort de Samuel, le père de ses enfants - où était Gloria ce soir-là ? -, et comprendre enfin quel rôle l'avocat Santini a pu jouer dans toute cette histoire.
Jusqu'où peut-on protéger ses enfants? Dans ce roman tendu à l'extrême, Véronique Ovaldé met en scène un fascinant personnage de mère dont l'inquiétude face au monde se mue en un implacable sang-froid pour l'affronter.

Mon avis
Personne n’a peur des gens qui sourient met en scène Gloria, une mère qui n’a pas peur de faire prendre à sa vie et celle de ses filles un tournant radical pour échapper à un passé tortueux et surtout, dangereux. D’oisillon robuste à mère prête à tout pour protéger ses enfants, Gloria nous entraîne avec elle entre passé et présent, dans une vie où les coups durs s’affrontent pour savoir lequel a été le plus impactant. Fragile en apparence, c’est un mur sans faille qu’elle devient quand il s’agit de ses filles, de les préserver. Mais de quoi ? Il faut lire ce livre pour comprendre, pour appréhender la réalité et découvrir que l’équilibre de la vérité ne tient parfois qu’à un angle de vue.

Au-delà de l’histoire captivante et surprenante qu’elle nous offre, c’est tout un univers que dessine Véronique Ovaldé. Un univers où Gloria incarne un personnage qui, malgré les gens pour qui elle compte, est seule jusqu’à la naissance de sa première fille. Gloria est une femme forte qui ne compte que sur elle-même et qui prend ensuite conscience de cette petite vie qui va dépendre d’elle, un rôle qu’elle va prendre à cœur et qu’elle va mener de front quoi qu’il advienne. Pour ses filles. Gloria a peur, elle gère mal ses angoisses, ses réactions mais elle sait se ressaisir quand ses filles entre dans l’équation. Mère imparfaite mais mère prête à tout, elle puise au fond d’elle-même, elle s’assure que tout soit fait pour que ses filles soit protégée des dangers extérieurs, comme intérieurs. Et, comme elle, nous finissons par sortir de la définition du bien et du mal pour passer à celle de l’amour maternel inconditionnel : tous les moyens sont bons pour protéger ceux que l’on aime.

En faisant flancher notre sens moral à certains moments, Véronique Ovaldé nous rappelle finalement que certaines convictions peuvent faire bouger les lignes clairement établies au départ. Elle nous montre aussi qu’il arrive que malgré tous nos efforts, c’est parfois notre retrait qui permet de protéger au mieux une personne.

Enfin, pour ne rien gâcher, Véronique Ovaldé glisse entre les pages de son roman des idées féministes, des piques lancées à notre société patriarcale qui font du bien, qui rappelle la violence ordinaire subie au quotidien par les femmes. Au fond, Personne n’a peur des gens qui sourient s’inscrit dans mes lectures féministes par son héroïne, son autrice et les différents messages qui y sont diffusés en fond, sans que ce ne soit le principal thème du livre : c’est juste la plume d’une femme engagée et forte de ses convictions qui transpire son féminisme.

Une lecture haletante et dérangeante à la fois, angoissante et étrangement apaisante par moment. Un vrai régal.

« Stella visse son index sur sa tempe en écoutant sa petite sœur qui divague. Loulou se fâche puis se défâche. On dirait une giboulée de mars. »

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

dimanche 23 juin 2019

Rose amer de Martine Delvaux

J’ai reçu ce livre lors du Swap mystère A&M. Mais kécessé ? Le but était d’emballer un livre à envoyer à un membre du forum de manière à ce qu’il le lise sans en connaître le titre ou l’auteur. Il a fallu être habile pour tout masquer, le moindre petit indice qui aurait pu gâcher la surprise devait être traqué. J’ai donc lu ce livre sans savoir de quoi il s’agissait grâce à Lady Swan qui avait bien fait les choses !



Quatrième de Couverture
Une petite fille grandit dans un village nouveau. Le père a disparu avant sa naissance. La mère a épousé un autre homme et souhaité s'installer loin de la ville. Le village est morne et ils y resteront des étrangers. Entre les enfants les liens se tissent quand même, dans les champs de fraise, ses amies s'appellent Manon-juste-Manon, BB ou encore Valence Berri. Elles rêvent d'Hollywood, mâchent de la Hubba Bubba, passent leur été à sauter dans la piscine du camping juste à côté. Tout semble normal. Mais une menace plane sur cet univers doucereux. Au village et dans la banlieue aseptisée où la famille déménagera dix ans plus tard il arrive que des filles disparaissent.

Rose amer raconte le regard inquiet d'une petite fille, puis d'une adolescente, sur la violence diffuse de l'ordinaire.

Mon avis
Rose amer est un livre qui semble raconter l’histoire banale d’une petite fille qui grandit dans un village, puis évolue dans une banlieue pour finir par avoir envie de découvrir enfin la vie citadine pour se libérer de son morne quotidien. En réalité, Rose amer décrit surtout ce que c’est que de grandir en étant une fille, des dangers auxquels on nous prépare depuis toujours sans même que nous nous en rendions compte : « ne parle pas aux inconnus », « fais attention le soir », « marche vite et regarde devant toi ».

L’héroïne, dont le nom n’est jamais cité il me semble, pourrait être toi, pourrait être moi. Elle grandit comme n’importe quelle petite fille, en jouant, en découvrant l’amitié fluctuante des jeunes années, en occultant ce que son esprit n’est pas encore capable d’encaisser. Pourtant, ça lui trotte dans la tête ces histoires, doucement, comme un nuage gracile qui passe et repasse dans le ciel bleu. Des petites filles disparaissent, ne sont jamais retrouvés. D’autres changent après des vacances chez un oncle, certaines comprennent plus tôt que les autres que le prince charmant préfère votre bouche posée ailleurs que sur leurs lèvres… Ce roman est un moyen d’obtenir une vue d’ensemble sur un monde où les violences subies par les femmes commencent dès l’enfance. Et ce monde, c’est le nôtre.

Dès petites filles, nous y sommes confrontés. Et comme le danger extérieur ne peut pas toujours être contrôlé par nos parents, ils essaient de nous donner les armes pour nous méfier, être sur nos gardes. Et nous grandissons comme ça, dans la possibilité du pire. Dans le « et si jamais… ? » si cruel qui nous fait reconsidérer la longueur de nos vêtements avant de sortir, ou le raccourci qui nous permettrait de nous coucher plus tôt si seulement il ne faisait pas si noir.

Cette pression constante finit par étouffer notre héroïne qui, à la fin de l’adolescence, ne rêve que d’une chose : sortir et ne plus s’ennuyer. Prendre une grande bouffée d’air, de liberté. Mais pas la liberté physique, finalement, non. C’est la tranquillité d’esprit que ce la figure, cette tranquillité à laquelle nous aspirons toutes. Il est épuisant d’avoir le réflexe de « faire attention ». Épuisant de compter ses verres en soirée pour être sûre de ne pas dépasser la dose d’alcool qui nous fait oublier le danger. Épuisant de rester alerte au moindre bruit sur le chemin du retour. Nous sommes enfermées dans ce monde hostile qui nous écrase et nous empêche de simplement profiter des choses, parfois, souvent même. Et c’est ce que raconte Rose amer à travers cette angoisse constante, cette pression sans fin. Le roman st étouffant de réalisme, agréable à lire, très bien fait et angoissant sans même que l’on s’en rende compte. Le terminer fait du bien, parce qu’on se détend, comme lorsque la clé tourne enfin dans la serrure de la porte et que le cocon de sécurité de la maison nous accueille.

Rose amer est un livre à lire ne serait-ce que pur découvrir la plume de Martine Delvaux, autrice Québécoise qui manie les émotions avec brio, qui rappelle que le rose des petites filles est une prison amère dont se libérer reste encore compliqué aujourd’hui.

Je suis ravie d’avoir lu ce livre avec le mystère du swap et ne pas en connaître le titre ne m’a en rien embêtée, c’était même génial !

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

lundi 10 juin 2019

Mes bien chères soeurs de Chloé Delaume

Mes bien chères sœurs est un livre qui a capté mon attention lors de ma toute première visite à Fiers de Lettres, librairie indépendante de Montpellier à la sélection merveilleuse. J’ai résisté et, quelques jours après, Chloé Delaume est passée dans La Grande Librairie… Quelques jours après j’ai craqué sans l’ombre d’un remord. J’ai lu ce livre d’une traite juste avant de rencontrer l’autrice lors de la Comédie du Livre de Montpellier, une rencontre vraiment agréable, tout autant que cette lecture.



Quatrième de Couverture
« Ceci est une adresse. Aux femmes en général, autant qu'à leurs alliés. Je vous écris d'où je peux. Le privé est politique, l'intime littérature. »
En France, la quatrième vague féministe a fait son entrée : non plus des militantes, mais des femmes ordinaires. Qui remettent en cause les us et les coutumes du pays de la gaudriole, où une femme sur dix est violée au cours de sa vie, et où tous les trois jours une femme est assassinée par son conjoint.
Dans ce court texte incisif qui prône la sororité comme outil de puissance virale, Chloé Delaume aborde la question du renouvellement du féminisme, de l'extinction en cours du patriarcat, de ce qu'il se passe, et peut se passer, depuis le mouvement #metoo.

Mon avis
Mes bien chères sœurs est un essai où Chloé Delaume établit le constat d’une société française en pleine transition vis-à-vis du patriarcat et du sexisme : « Le patriarcat bande mou. Quelque chose est pourri au royaume de la flaque, les indices et symptômes croissent et se multiplient. À se regarder jouir de son impunité, le mâle alpha n’a pas vu surgir l’obsolescence de ses propres attributs et fonctions symboliques. » En ouvrant le bal avec fracas, l’autrice annonce la couleur de son écrit.

Sous un discours cynique et incisif, Chloé Delaume aborde de nombreux sujets difficiles, tous liés à la condition de la femme en France, à l’avalanche déclenchée par #metoo mais avec un regard étonnamment optimiste. J’appréhendais un peu de ne pas apprécier ce bouquin, pensant y trouver une légère touche de misandrie alors que, finalement, ce livre ne traite en rien de cela.

Chloé Delaume s’adresse aux femmes, elle nous parle, elle nous invite à la « sororité », ce mot qui se détache de la fraternité pour nous inviter à nous serrer les coudes, à œuvrer ensemble pour suivre ce mouvement de transition, d’évolution même. Rappelons d’ailleurs que cette sororité si essentielle est écrasée depuis toujours : nous, filles puis femmes, sommes élevées en rivales. Chaque autre femme est une rivale potentielle, celle qui prendra notre place, nous taclera, nous arrachera sans vergogne l’attention du mâââle que l’on convoite. Et cette rivalité créée par la société ne vaut évidemment que pour le saint graal que représente l’homme, celui qui nous offrira une vie que l’on doit mériter en étant la plus douce, la plus belle, la plus docile.

La sororité, selon Chloé Delaume, est l’arme ultime pour enfin s’affranchir du sexisme et de cette société patriarcale qui nous divisent, nous écrasent et nous forcent à reste dans de toutes petites cases où nous devons nous adapter. Elle ne nie pas le rôle que les hommes ont et auront dans la fin du sexisme, leur aide essentielle : elle s’adresse simplement à nous, ses sœurs, ses alliées naturelles et éternelles.

À travers des faits, des chiffres clés, des anecdotes pas si anecdotiques que cela, Chloé Delaume résume ce qu’elle décrit comme la quatrième vague féministe, celle du féminisme 2.0, celle du quotidien, de la femme lambda, de ce sexisme ordinaire qui me révulse, qui m’étouffe et me pousse à ouvrir grand ma bouche. Cette quatrième vague féministe, c’est nous, c’est toi, c’est moi, c’est cette sororité qui nous galvanise et nous aide à sortir des carcans ensemble, via internet, les réseaux sociaux, la remise à sa place du collègue misogyne « mais pas trop, j’aime toutes les femmes moi ».

« Apocalypse, au fait, veut dire révélation. Par les fils de la Toile partout elles se dévoilent, et dans quelques automnes leurs filles danseront sur l’eau. »

La force de Chloé Delaume, au-delà de ses convictions, tient aussi dans ses mots, ces mots succulemment acides qu’elle manie avec talent, avec une douceur percutante (j’aime mon oxymore, je l’avoue). Et ce n’est pas pour uniquement le plaisir de l’esprit que sa plume est si belle, c’est aussi pour ce qu’elle réveille, ce qu’elle faire naître chez le lecteur en toute conscience : « J’écris, ce qui signifie que pour moi chaque mot est un pouvoir. Les mots, pas les discours. S’emparer, appliquer des mots au quotidien. La sororité est le mot clé, les citoyennes s’engagent et si la loi ne peut rien, peut-être que des techniques alternatives s’imposent. »
Et si les mots sont importants, c’est aussi parce qu’en France, les femmes ont été bafouées durant des siècles jusque dans le dictionnaire de la langue française : « Liberté, Parité, Sororité, peut-être. Une République française où la langue officielle ne serait plus prisonnière d’un gang de couillidés, une société française où par les femmes, le temps d’une vague, le patriarcat serait aboli et les règles du jeu repensées. » Il s’agit évidemment de la si grande Académie Française, qui a passé des années à supprimer des mots comme « autrice » du dictionnaire pour supprimer de la langue le fait que des femmes osaient écrire des livres. Ces mots qui ont une importance capitale et qui montrent que dans notre langue, les choses déraillent : un cuisinier est un homme dont le métier est de faire la cuisine ; une cuisinière est un objet ou une femme qui fait la cuisine. De quoi pousser à la réflexion (et accessoirement à l’envie de tout casser, parfois).

Mes bien chères sœurs est un livre qui a éclairé ma route de jeune femme féministe de la quatrième vague, celle qui ne passe pas par le militantisme pur et dur mais par un éveil des consciences de son entourage. Oxymore à part entière, ce livre montre la douloureuse réalité de la condition de la femme tout en montrant l’espoir de voir un jour le bout du tunnel. Chloé Delaume est bien plus optimiste que moi sur le sujet et ça fait du bien. C’est agréable parce que ce n’est pas naïf, le mot qui convient à mon sens est « acide ». Une acidité qui pique, qui brûle parfois mais qui est agréable, qui apporte tout de même un peu de plaisir et qui annonce le futur fruit sucré que pourrait être la vie le jour d’après.

Plus les années passent et plus je me sers de mes lectures ainsi que de ce blog pour travailler mes idées, pour façonner mes opinions et pour transmettre mes découvertes sur les sujets qui me touchent. Plus le temps avance et plus mes lectures sont teintées de féminisme, de tolérance et de découverte d’ailleurs. Je ne regrette rien et je prends toujours de plus en plus de plaisir à découvrir, apprendre et partager. C’est grâce à des autrices comme Chloé Delaume que je chemine dans les méandres de ce monde et que je grandis chaque jour. D’ailleurs, depuis que j’ai instauré le tag #autrices sur mes billets, je me rends compte avec fierté que je lis bien plus d’ouvrages écrits par des femmes qu’avant et qu’ils sont désormais majoritaires sur ce blog. C’est ainsi que j’ai l’impression d’apporter ma pierre à l’édifice tout en m’enrichissant encore et encore.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture