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Rambalh, c'est un pot pourri de mes lectures, un blog pour partager mes coups de coeur et de gueule. Rambalh signifie Bordel en Occitan et c'est un peu le cas de ce blog. Il est surtout né de mon besoin de garder une trace de mes lectures. Retrouvez-moi aussi sur Accros & Mordus de Lecture.

mercredi 15 juin 2022

Le Roi des Fauves d'Aurélie Wellenstein

Ce que j'aime avec l'achat d'occasion, c'est pouvoir acheter un livre juste pour sa couverture, son résumé ou mon humeur du jour. Ici, c'est la couverture et la quatrième de couverture qui m'ont tentée.



Quatrième de Couverture
Poussés par une famine sans précédent, trois amis, Kaya, Ivar et Oswald, prennent le risque de braconner sur les terres de leur seigneur, mais son fils les surprend. Au terme d’une lutte acharnée, ils laissent le noble pour mort. Capturés et jugés pour tentative de meurtre, les trois amis sont condamnés à ingérer un parasite qui va les transformer en « berserkirs ». Au bout de sept jours de lente métamorphose, ils seront devenus des hommes-bêtes, et leur raison s’abîmera dans une rage inextinguible. Le temps de cette transformation, ils sont enfermés dans Hadarfell, un ancien royaume abandonné, dont le passé et l’histoire ont été engloutis par le temps…

Mon avis
Ivar, Oswald et Kaya décident d’outrepasser la loi et d’aller braconner sur les terres du maître des lieux, tiraillés par la faim. Seulement, le fils du seigneur les surprend et les prend en chasse et les humilie une fois acculés. Lorsque le jeune noble décide de s’en prendre à la jeune fille du groupe pour leur faire payer leur faute, une réaction en chaîne entraîne la chute du noble d’une falaise. Il y perd ses deux jambes et les trois adolescents leur liberté au profit d’un rituel les transformant en berserkirs, monstres sanguinaires dénués d’humanité.

Aurélie Wellenstein met en scène un univers inspiré des mythes nordiques pour questionner ses lecteurs sur les limites de notre humanité. Pour avoir essayé de nourrir leurs familles, trois adolescents sont condamnés à une peine pire que la mort : la transformation en berserkirs, monstres sanguinaires guidés par leurs pulsions, pour intégrer l’armée du jeune seigneur. Une fois le rituel lancé, il leur reste sept jours pour profiter de leurs derniers instants d’humanité. Sept jours de lutte contre l’ultime sentence, contre leurs instincts primitifs, ensemble. En leur retirant peu à peu leur humanité, c’est aussi leur innocence qu’on leur ôte. Incarnation de ce passage si complexe de l’adolescence à l’âge adulte, la transformation des personnages est progressive, douloureuse et inévitable. Elle passe par une lutte contre soi-même et par des choix.

Ce roman est sombre, dur, comme peut l’être l’adolescence. Nos trois héros sont confrontés à des situations dangereuses et mortelles mais ils sont surtout face à des choix tragiques, questionnant leurs instincts opposés à leur compassion. Le tumulte est grand au fil des pages, plus encore lors du tournant final de l’histoire.
Si nous avions eu à franchir ce cap, qui aurions-nous choisi d’être ? Quel type de « monstre », quel type d’adulte ?

Avec une plume qui sonne juste, Aurélie Wellenstein nous offre un roman qui s’inscrit de façon naturelle dans le medieval fantasy et qui nous pousse à nous mettre à la place de chacun des personnages, principaux comme secondaires. Certaines des métamorphoses que nous vivons dans notre vie ne sont pas simples et nos réactions peuvent prendre différentes formes ; la lutte, le sacrifice, l’acceptation, la fuite ou encore l’abandon total. Toutes les voies y sont représentées sans jugement, juste avec perspective au cours du récit. Une double lecture qui chamboule parfois mais qui fait de ce roman un excellent moment de lecture et de réflexion.

« Ivar ne répondit pas, il serrait les dents. La peur lui sciait les jambes et son estomac remontait dans la gorge. Tout son être lui hurlait de rebrousser chemin. S’il cédait, s’il reculait, alors la terreur refluerait, il serait de nouveau un adulte, confiant en sa force, et non ce petit enfant perdu dans le noir et ses peurs primaires. » p. 113

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

samedi 11 juin 2022

Derrière le masque de Louisa May Alcott

J’ai reçu ce livre dans l’une des dernières Glory Book Box, celle de Noël Upstairs/Downstairs (cette box me manque beaucoup trop). Il s'agit d'un des romans que Louisa May Alcott a publié sous le pseudonyme A. M. Barnard.



Quatrième de Couverture
Mondialement connue pour avoir écrit des livres pour la jeunesse, Louisa May Alcott empruntait divers pseudonymes pour mettre en scène des histoires de vengeance et de pouvoir dans lesquelles les femmes se libéraient des préjugés pour lutter contre la domination masculine. En cela l'héroïne de Derrière le masque (1866) ressemble à s'y méprendre à Lady Audley, l'un des personnages de Mary Elisabeth Braddon. On y découvre une femme dont le comportement angélique trompe le milieu de l'aristocratie, dans lequel elle s'est introduite.
Ce roman ambigu et féroce, qui met en scène la vengeance et la revanche amoureuse et sociale d'une femme, se situe dans la lignée des thrillers de Wilkie Collins, Mary Elisabeth Braddon et Charles Dickens.

Mon avis
Jean Muir est embauchée par la famille Coventry comme gouvernante chargée de s’occuper de Bella, la petite dernière de seize ans. Sous son air angélique et son apparence fragile, Jean Muir est en réalité une actrice qui cherche un bon parti pour recommencer sa vie après un divorce scandaleux. Manipulatrice, elle réussit peu à peu à charmer chaque homme de la famille.

Derrière le masque est le premier roman de Louisa May Alcott que je lis et je n’ai pas été transcendée. L’écriture est fine, va à l’essentiel et brosse un tableau critique de la société de l’époque mais il n’y a rien eu de neuf que je puisse me mettre sous la dent. Ayant déjà gouté à ce type d’univers avec Jane Austen, notamment à travers le petit roman épistolaire Lady Susan, je sais que c’est le genre de lecture qui sait me plaire, ce n’était peut-être juste pas le bon moment.

Ce roman s’inscrit dans la lignée des romans à sensation du XIXe siècle et c’est ce qui fait son intérêt : mise en avant des classes les plus basses en opposition avec les plus hautes, démonstration de l’ironie du rôle de gouvernante qui se doit d’éduquer les jeunes filles de la haute société à la perfection tout en étant de rang inférieur, dénonciation de la prévalence de la naissance sur les qualités d’un individu… De nombreux sujets sont abordés dans ce court roman, de façon plus ou moins subtile et c’est toujours très agréable de lire un avis critique sur une époque vécue par un auteur.

Là où je n’ai pas été séduite, c’est sur la profondeur des personnages, ayant pris l’habitude au fil de mes lectures de les découvrir fouillés et non simplement caricaturaux. Je comprends le choix de l’autrice vis-à-vis de son histoire, du genre littéraire et de la taille de son roman mais ce n’est pas ce que j’attendais. Je pense que ce genre n’est pas fait pour moi : le roman à sensation de cette époque à son intérêt mais ses ingrédients ne sont pas parmi mes favoris. Cependant, j’ai tout de même passé un bon moment de lecture.

Je prendrai sûrement le temps de découvrir Louisa May Alcott dans un autre genre, peut-être avec Les quatre filles du docteur March, son style a tout de même réussi à me charmer (mais j’ai tellement de livres qui attendent sur mes étagères).

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

vendredi 10 juin 2022

Bière grenadine d'Hélène Vignal

J'ai découvert Hélène Vignal avec Si l'on me tend l'oreille et j'avais adoré sa plume et les émotions qu'elle pouvait transmettre à travers ses mots. J'ai donc rempilé avec un autre de ses romans qui est un coup de ♥.



Quatrième de Couverture
« On a enterré Yvan hier. Ça ne fait que vingt-quatre heures. Sa moto a dérapé jeudi dernier. Ça ne fait qu'une semaine. Il ne me parlait plus depuis six ans. Il me manquait depuis six ans. Il était déjà absent. Rien n'a changé. Sauf que. »
Claire et Yvan ont grandi ensemble comme frère et sœur. Puis un jour, parce que leurs parents se sont trop aimés puis déchirés, ils ont dû effacer leurs enfances communes. Ils avaient onze et douze ans et leur fraternité brisée, c'était juste des dommages collatéraux. Leur douleur n'a eu aucune place dans l'histoire des adultes.

Mon avis
Claire vient de perdre Yvan pour toujours, son meilleur ami d’enfance, mort à dix-huit ans dans un accident de moto. Ils s’étaient déjà perdus six avant, lorsque leurs parents se sont déchirés et lorsque leur amitié a été balayée sous le tapis avec les erreurs des adultes. Mais cette fois-ci la perte est définitive, emportée pour toujours par la mort.

Bière grenadine est une histoire de deuil.
Le deuil y est multiple, il se décline en plusieurs couches au fil des pages et nous entraîne dans son processus aux côtés de Claire.

Claire et Yvan ont grandi ensemble, comme frère et sœur, leurs parents étant amis et toujours ensemble : les weekends, les vacances, les moments de joie… Ils étaient accrochés l’un à l’autre, formant un tout, sous le regard attendri des parents qui les identifiaient comme un petit couple. Claire et Yvan s’aimaient d’un amour fort, fraternel, ce qui entrait déjà en collision avec le monde des adultes : le père de Claire et la mère d’Yvan ont eux été incapables de ça et ont traversé la ligne rouge, déchirant le cocon des enfants au passage. Ils avaient onze et douze ans.

Six ans plus tard, Claire est forcée de faire son deuil lorsqu’Yvan meurt brutalement. À travers son passé et son présent, elle remonte le fil de son histoire et on comprend qu’elle doit faire face à plusieurs deuils en même temps : celui de son enfance, celui de son amitié avec Yvan, celui des sentiments en suspens et enfin le deuil d’Yvan pour toujours.

C’est là toute la puissance et mais aussi la douleur de ce roman. Claire est restée suspendue dans le vide, au-dessus de la déchirure, attendant le retour d’Yvan dans sa vie, au moment opportun. L’accident de moto lui arrache cette perspective et la pousse en quelques jours à relancer la machine de sa vie pour sortir de son attente et poursuivre son chemin sur lequel elle s’est arrêtée six ans plus tôt.

De façon subtile, Hélène Vignal déroule les cinq étapes du deuil au fil du récit : le déni de l’attente des six longues années, la colère retournée contre les adultes, le marchandage par le besoin de rattraper l’Yvan des six années perdues, la dépression par la mélancolie et enfin l’acceptation lorsque Claire ferme enfin la porte d’Yvan pour en ouvrir une nouvelle.

Bière grenadine est un roman jeunesse au message fort et aux émotions puissantes, violentes. À chaque page, la boule au ventre mise en place dès le début de la lecture grandit, gigote, nous étouffe presque. On se fond dans les états d’âme de Claire, on calque nos deuils sur les siens et on respire à nouveau sur les dernières pages, libérés de ce poids confiés au début du récit par Hélène Vignal. C’est beau, c’est éprouvant et ça sonne juste. Un an après ma lecture, ça résonne encore dans ma tête et c’est toute la force de ce récit. Hélène Vignal a su encore une fois par la beauté de ses mots puiser dans nos ressources pour accepter les moments difficiles en faire nos forces.

« – Sauf qu’Yvan est mort. Et ça, c’est du présent pour toujours, je lui dis. » p. 33

« Plus je parle, plus Christophe me regarde. Il hoche la tête, il sourit souvent, il reconnaît Yvan. Quelqu’un qui le reconnaît, enfin. Je pose mes souvenirs derrière ses grosses lunettes, ils se nichent bien au chaud dans ses dreads. J’ai un endroit pour les poser, ils sont en sécurité avec lui. » p. 81

Les avis des Accros & Mordus de Lecture