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Rambalh, c'est un pot pourri de mes lectures, un blog pour partager mes coups de coeur et de gueule. Rambalh signifie Bordel en Occitan et c'est un peu le cas de ce blog. Il est surtout né de mon besoin de garder une trace de mes lectures. Retrouvez-moi aussi sur Accros & Mordus de Lecture.

dimanche 12 mai 2019

Malgré tout la nuit tombe d'Antônio Xerxenesky

La Comédie du Livre de Montpellier approche et ça me donne, comme toujours, une envie de descendre ma PAL pour pouvoir accueillir de nouvelles lectures. Je partage le peu de temps que je consacre à la lecture en ce moment entre des livres achetés au hasard et des livres d'auteurs qui seront présents le weekend prochain sur les stands. Malgré tout la nuit tombe est un de ces livres que j'ai achetés sans attente, d'occasion chez Gibert Joseph, comme j'aime le faire pour découvrir de nouvelles choses.



Quatrième de Couverture
Alina a bientôt trente ans et vit à São Paulo. Doctorante en histoire des religions, elle passe ses journées devant un ordinateur, au vingt et unième étage d'un gratte-ciel, prisonnière d'un boulot alimentaire dans la publicité. Elle peine à surmonter un deuil familial et perd peu à peu sa joie de vivre. Jusqu'au jour où elle est contactée par la police, qui a besoin de ses connaissances pour démasquer une secte soupçonnée d'enlèvements. Et si c'était là l'occasion unique de briser sa routine ? De prendre sa vie en main et de trouver un sens aux questions qui l'assaillent ?

Une journée et une nuit suffiront à ébranler les certitudes d'Alina, et par là même celles de toute une génération anesthésiée par son quotidien. Dans Malgré tout la nuit tombe, Antônio Xerxenesky fait surgir l'irrationnel dans nos existences cartésiennes, éveillant nos angoisses les plus profondes.

Mon avis
À travers le jour et la nuit, divisant ce roman en deux parties, Antônio Xerxenesky explore les angoisses qui étreignent la génération Y jusqu’à la faire suffoquer quand elle ose prendre conscience de sa condition.

Malgré tout la nuit tombe est un thriller fantastique où Alina, jeune femme vivant dans une grande métropole le tourbillon de la vie à cent à l’heure dans un état paradoxalement stationnaire, voit son quotidien brusquement bouleversé lorsque la police la convoque. Son aide est requise pour une enquête : doctorante en histoire des religions, on espère qu’elle pourra aider à décrypter un symbole et une possible secte. Seulement, Alina ne sait rien et elle repart dans son quotidien.

Sa vie est celle de millions de personnes de sa génération à travers le monde : un boulot qui paye le loyer et liquéfie doucement son cerveau, une vie sociale remplie de soirées alcoolisées durant son temps libre, une colocation où elle ne fait que croiser celle qui partage son appartement. Des amis, aussi, ceux dont elle connait les détails de la vie via les réseaux sociaux et qu’elle n’écoute plus lorsqu’ils racontent à voix haute ce qui s résume finalement en une image, un post, un commentaire, une story… Un pseudo-but professionnel via ses recherches parce qu’un boulot alimentaire ne doit servir qu’à préparer l’après… Le jour, le temps s’écoule sans accroc, inlassablement, s’étirant trop longuement lorsqu’elle est derrière son bureau, trop lentement lorsqu’elle est dans les transports. La nuit, la vie s’accélère en soirée puis disparait au petit matin dans un blackout causé par trop d’excès. Et tout se répète.

Alina, athée qui s’ennuie profondément dans cette vie en apparence remplie, voit dans cette affaire un moyen de sortir de son quotidien, d’apporter un peu de piquant à son existence. Elle trouve la secte, envoie un mail, et tout bascule quand elle reçoit une réponse.

Sous couvert de fiction, l’auteur oppose le jour, cet état de léthargie où les gens remplissent leurs obligations, où ils ne se posent pas de longues questions, où la routine aliénante permet une certaine quiétude, à la nuit. Cette nuit où lorsque nous nous risquons à rester avec nous même nous affrontons nos angoisses, nos démons. Ces ombres que l’on traine derrière nous, qui nous rappellent que fuir la réalité de nos vies ne peut durer qu’un temps. Qu’on éteigne la lumière et la peur ressurgit, le démon caché sous le lit a le champ libre pour venir chatouiller tout ce que nous cherchons à enfouir dans un tiroir le plus reculé possible de notre tête.

Le rationalisme d’Alina est bouleversé par ce qu’elle vit tout comme nous sommes secoués lorsque nous affrontons de gré ou de force nos problèmes. Le deuil de son frère qu’elle n’a pas su faire, qu’elle a fui lui revient en pleine face alors que ses convictions s’effondrent. Les masques que nous portons la journée, face aux autres, ne peuvent nous berner indéfiniment lorsqu’on se regarde dans l miroir. C’est tout cela que l’auteur met au premier plan dans son roman, le constat angoissant que fait la génération Y quand elle contemple le monde puis se regarde en face : le vide de l’existence, le climat angoissant généré par les médias, la surconsommation, la solitude croissante alors que la proximité entre les individus est de plus en plus simple, la peur viscérale de la mort à une époque où les religions n’ont plus l’air de pouvoir nous sauver… La totale remise en question de l’utilité de l’humanité et des conséquences de ces actes.

Les grands thèmes traités sont bien amenés et fondus dans le décor décadent de Sao Paulo. Alina essayant de rationnaliser ses émotions se superpose très bien au message choisi par l’auteur et l’écriture est très agréable à lire. Seulement, il manque quelque chose. Pas une fin différente ou encore une « vraie fin » (ceux qui ont lu le livre comprendront), mais peut-être un peu plus de substance à la trame de la fiction. Lorsqu’on arrive à la dernière page, on comprend le message, on sent que l’auteur est arrivé au bout de son propos et il a même raison. Non, le souci, c’est que la trame fictive qu’il a choisi était intéressante, mystérieuse, et j’aurais aimé qu’elle aboutisse tout comme le message parallèle a abouti. J’ai eu l’impression que, sous prétexte de faire passage un message profond et concret, l’auteur laissait de côté la partie fiction et c’est dommage parce qu’il y avait une belle documentation dans la première partie qui a été totalement laissée de côté.

Et en même temps, même ce choix colle. Il colle au tout dernier message que nous, la génération Y/why, ne voulons pas accepter : les milles questions que nous nous posons ont des réponses mais ces réponses n’apaiseront jamais les doutes qui nous tiraillent, les angoisses qui nous déchirent.

« Elle s’empara de son téléphone, désactiva l’alarme mais resta immobile, rassemblant son courage pour sortir du lit. Ce qui la motivait le plus, ce n’était pas le risque d’arriver en retard au travail, mais quelque chose qu’elle avait lu sur internet dans la semaine, sur les symptômes typiques de la dépression – entre autres, la difficulté à se lever et commencer sa journée, résumée par la phrase le matin est le pire moment pour la personne dépressive. »

Les avis des Accros & Mordus de Lecture