Quatrième de Couverture
Ils sont trois, ils sont amis, ils ont vingt ans. Nous sommes au début de ce siècle et Marseille était alors – elle est encore – une des plus belles cités du monde. « Le premier s’appelle Louis-Irénée Peluque : il est gardien au jardin zoologique. Le deuxième s’appelle Felix-Antoine Grasset : il est poète et philosophe, c’est-à-dire qu’il tire longuement sa pipe et ne fait rien. Le troisième, qui a trouvé un travail approximatif chez un éditeur, s’appelle Jacques Panier. »
L’amour est-il un piège que nous tend le génie de l’Espèce aux seules fins de se perpétuer ? C’est ce que pensent Peluque et Grasset. C’est aussi l’idée de Jacques Panier, qui a juré que l’on ne l’y prendrait pas. « Mais les plus belles idées ne pèsent pas lourd contre la nature, et comment rester philosophe quand on voit passer tous les jours, à la même heure, discrète, silencieuse et timide, une petite fille aux yeux sombres ? »
Marcel Pagnol n’était pas beaucoup plus âgé que Jacques Panier quand il écrivit ce petit roman. Mais on y trouve déjà ce ton inimitable qui allait être le sien, son humour, sa poésie…
Mon avis
La petite fille aux yeux sombres met un groupe d’amis face à la réalité de la trivialité de la vie. Du haut de leurs vingt ans, ils sont persuadés de tout comprendre du monde, ils pendent que leur érudition peut les préservés des bas instincts… Mais l’amour, aussi futile soit-il, réduit les grandes théories à néant. Dans un style encore en construction, Marcel Pagnol nous entraîne dans la Marseille du début du siècle dernier à la suite de ses personnages qui ont encore tout à apprendre.
Quelle douce balade dans les rues de Marseille sous la plume encore jeune de Marcel Pagnol. La petite fille aux yeux sombres regorge déjà de ces mots qui font le plaisir de lire Pangol. On y sent la jeunesse, la recherche du style aussi. On sourit en imaginant le jeune écrivain ajouter des allusions (trop nombreuses ici, fougue de la jeunesse) à la grande mythologie. On découvre déjà ses préoccupations sur le temps qui passe, sur les illusions créées par l’amour. L’influence d’un cercle intellectuel y est très présent, ça fait partie du charme de ce petit roman : Marcel Pagnol est en pleine construction, il décortique son talent brut, y ajoute quelques fioritures qui disparaîtront avec le temps. Le texte offre une sensation très scolaire mais il suffit tout de même à faire passer un très doux moment de lecture.
Déjà ici, le sexe « faible » subit le courroux de l’auteur qui ne rate pas une occasion du haut de son jeune âge de reprocher aux femmes d’être à l’origine de ses moments d’égarements oisifs : comme le jeune Marcel dans Souvenirs d’enfance, marque incontestable de l’avis d’alors du jeune écrivain.
La petite fille aux yeux sombres ne devrait cependant pas être le premier livre lu de Marcel Pagnol : il se savoure bien plus lorsqu’on le lit pour revenir aux sources, aux débuts de l’écrivain. Il n’est pas parfait et montre clairement le manque d’expérience de la vie de Marcel Pagnol, son statut d’étudiant à l’époque. Il se laisse apprécier parce que l’on connaît déjà la plume fabuleuse de Pagnol et qu’on cherche à savoir par quelles étapes elle est passée pour atteindre sa forme finale.
« J’ouvris la porte et m’en fus au plus proche café. Comme je franchissais le seuil, il y eut en moi une vive discussion entre l’ivrogne, le bon vivant, l’hygiéniste et le sportsman, pour savoir si je pouvais boire un petit verre d’alcool. Le prelier tour du scrutin se termina par un ballotage ; mais le barman, en me demandant ce que je voulais boire, me rappela que j’y étais obligé par ma seule présence en ce lieu : ce qui trancha le débat. » p. 94.
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