Quatrième de Couverture
Une petite fille grandit dans un village nouveau. Le père a disparu avant sa naissance. La mère a épousé un autre homme et souhaité s'installer loin de la ville. Le village est morne et ils y resteront des étrangers. Entre les enfants les liens se tissent quand même, dans les champs de fraise, ses amies s'appellent Manon-juste-Manon, BB ou encore Valence Berri. Elles rêvent d'Hollywood, mâchent de la Hubba Bubba, passent leur été à sauter dans la piscine du camping juste à côté. Tout semble normal. Mais une menace plane sur cet univers doucereux. Au village et dans la banlieue aseptisée où la famille déménagera dix ans plus tard il arrive que des filles disparaissent.
Rose amer raconte le regard inquiet d'une petite fille, puis d'une adolescente, sur la violence diffuse de l'ordinaire.
Mon avis
Rose amer est un livre qui semble raconter l’histoire banale d’une petite fille qui grandit dans un village, puis évolue dans une banlieue pour finir par avoir envie de découvrir enfin la vie citadine pour se libérer de son morne quotidien. En réalité, Rose amer décrit surtout ce que c’est que de grandir en étant une fille, des dangers auxquels on nous prépare depuis toujours sans même que nous nous en rendions compte : « ne parle pas aux inconnus », « fais attention le soir », « marche vite et regarde devant toi ».
L’héroïne, dont le nom n’est jamais cité il me semble, pourrait être toi, pourrait être moi. Elle grandit comme n’importe quelle petite fille, en jouant, en découvrant l’amitié fluctuante des jeunes années, en occultant ce que son esprit n’est pas encore capable d’encaisser. Pourtant, ça lui trotte dans la tête ces histoires, doucement, comme un nuage gracile qui passe et repasse dans le ciel bleu. Des petites filles disparaissent, ne sont jamais retrouvés. D’autres changent après des vacances chez un oncle, certaines comprennent plus tôt que les autres que le prince charmant préfère votre bouche posée ailleurs que sur leurs lèvres… Ce roman est un moyen d’obtenir une vue d’ensemble sur un monde où les violences subies par les femmes commencent dès l’enfance. Et ce monde, c’est le nôtre.
Dès petites filles, nous y sommes confrontés. Et comme le danger extérieur ne peut pas toujours être contrôlé par nos parents, ils essaient de nous donner les armes pour nous méfier, être sur nos gardes. Et nous grandissons comme ça, dans la possibilité du pire. Dans le « et si jamais… ? » si cruel qui nous fait reconsidérer la longueur de nos vêtements avant de sortir, ou le raccourci qui nous permettrait de nous coucher plus tôt si seulement il ne faisait pas si noir.
Cette pression constante finit par étouffer notre héroïne qui, à la fin de l’adolescence, ne rêve que d’une chose : sortir et ne plus s’ennuyer. Prendre une grande bouffée d’air, de liberté. Mais pas la liberté physique, finalement, non. C’est la tranquillité d’esprit que ce la figure, cette tranquillité à laquelle nous aspirons toutes. Il est épuisant d’avoir le réflexe de « faire attention ». Épuisant de compter ses verres en soirée pour être sûre de ne pas dépasser la dose d’alcool qui nous fait oublier le danger. Épuisant de rester alerte au moindre bruit sur le chemin du retour. Nous sommes enfermées dans ce monde hostile qui nous écrase et nous empêche de simplement profiter des choses, parfois, souvent même. Et c’est ce que raconte Rose amer à travers cette angoisse constante, cette pression sans fin. Le roman st étouffant de réalisme, agréable à lire, très bien fait et angoissant sans même que l’on s’en rende compte. Le terminer fait du bien, parce qu’on se détend, comme lorsque la clé tourne enfin dans la serrure de la porte et que le cocon de sécurité de la maison nous accueille.
Rose amer est un livre à lire ne serait-ce que pur découvrir la plume de Martine Delvaux, autrice Québécoise qui manie les émotions avec brio, qui rappelle que le rose des petites filles est une prison amère dont se libérer reste encore compliqué aujourd’hui.
Je suis ravie d’avoir lu ce livre avec le mystère du swap et ne pas en connaître le titre ne m’a en rien embêtée, c’était même génial !
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