Quatrième de Couverture
"Une lueur rase les sommets au loin. Quelques phares croisés les éblouissent.
- Ca m'étonnerait beaucoup que t'es ma mère, déclare Jamie.
- Pourquoi ?
- Une mère a pas le temps de se balader. Elle travaille.
- Qu'est-ce que t'en sais ? T'en connais beaucoup, des mères ?
- Tu vois, ça, une mère le dirait pas.
- Moi aussi je travaille. Là, je suis en vacances.
- Et tu fais quoi comme travail ?
- Actrice."
Mon avis
Gloria est cette petite fille qui grandit dans l’ombre de son frère aîné, adoré de ses parents mais mort avant sa naissance. Elle grandit dans une famille où l’amour a déjà été distribué en intégralité à ce frère si parfait qu’elle n’a pas connu. Son père est moralement absent, se contente de subir la vie au travail ou chez eux et sa mère vit dans le souvenir de cet enfant chéri décédé. Tout ce que fait Gloria n’est pas assez bien aux yeux de cette mère dont, tout ce qu’elle attend, est un peu d’attention et d’affection.
Elle finit par trouver cette attention dans le regard de son professeur de théâtre qui lui promet monts et merveilles et qui lui vole au passage son innocence et ses illusions sur l’amour. Enceinte trop jeune, Gloria décide de confier son enfant à une famille aimante avant de partir pour Los Angeles où elle compte bien devenir actrice.
Gloria est un personnage fragile et fort à la fois. Elle affronte les épreuves sans broncher, se bat pour obtenir ce qu’elle veut et fonce tête baissée vers la vie qu’elle s’est choisie. Seulement, elle ne fait confiance à personne, ne compte sur personne et ne s’exprime finalement pas totalement malgré les apparences. Lorsqu’elle apprend que les douleurs mensuelles qui s’emparent de son corps sont dues à une endométriose qui la rend stérile, Gloria se rend compte qu’elle veut retrouver cet enfant qu’elle a laissé étant adolescente.
Aborder l’endométriose est un point fort de ce roman à un moment où cette maladie commence tout juste à être reconnue et où de nombreuses femmes en souffrent. Martine Pouchain, à travers son héroïne toute en contraste entre forces et faiblesses, montre que les femmes peuvent être confrontées à plus de problèmes que les hommes simplement à cause de leur sexe. Que ce soit médicalement ou dans les relations sociales.
Gloria est actrice et elle excelle bien plus dans l’art de la comédie, lorsqu’elle se constitue des rôles pour affronter certaines situations que lorsqu’elle doit être elle-même. C’est sûrement parce qu’elle n’a pas terminé de se construire et qu’elle ne se connait pas entièrement. Elle se sent d’ailleurs incomplète lorsqu’elle comprend que son corps ne lui permettra pas de faire un autre enfant. Et c’est en partant à la conquête du bébé qu’elle a laissé des années plus tôt qu’elle va se conquérir elle-même.
On comprend au fil de la cavale que tout ce que cherche Gloria, c’est créer un lien immuable avec son fils, un lien d’amour sans limite et condition, un amour qu’elle a passé son enfance à essayer de trouver chez ses parents. Mais elle se rend compte que tout n’est pas si simple. Devenir mère n’est inné et son fils n’est pas prêt à accepter Gloria dans sa vie. Pourtant, à plusieurs reprises, sur des détails anodins, Gloria se rend compte qu’elle aime son fils même si elle ne le connait que peu. Elle l’observe et se sent heureuse, complète comme elle ne l’a jamais été. Et c’est parce qu’elle découvre cet amour inné pour la chair de sa chair qu’elle trouve la paix, cette paix qu’elle n’a cessé de poursuivre. Je suppose que c’est parce que cela lui permet d’accepter le fait que sa mère ne l’aimait pas et pourquoi : sa mère n’était plus une mère. Elle avait complètement perdu pied à la mort de Nicolas et était incapable de voir en Gloria sa fille. Cette libération lui permet de trouver sa place et de commencer enfin sa vie sur des bases saines, notamment dans sa relation aux autres.
Gloria est un roman qui oscille entre des dialogues légers et une histoire dure, une histoire de kidnapping, d’amour, d’abandon, de rejet. Martine Pouchain réussit à ne pas sombrer dans une histoire farfelue en donnant du réalisme à ses personnages, leurs réactions, leurs actions. Et, comme touche d’espoir et d’optimisme, on atteint une finalité qui, tout compte fait, n’est pas dramatique malgré la fin chaotique de la cavale de Gloria et son fils.
Parfois, des événements, des rencontres et des choix nous permettent de trouver qui nous sommes et d’atteindre la sérénité, malgré les difficultés, les peines et les regrets. Gloria est un livre qui se lit vite et bien, qui rappelle que nous sommes aussi possiblement notre premier ennemi face au monde alors que nous devrions être notre meilleur allié.
« … but her mummy is yelling, “No”
And her daddy told her to go,
But her friend is nowhere to be seen… »
Gloria aussi s’est toujours sentie seule, et sa mère n’a cessé de lui dire non, et son père lui a ordonné de partir, elle non plus n’avait pas d’amis pour l’aider…
« Now she walks through her sunken dream
To the seats with the clearest view… »
Ce soir cependant, tout est différent. Ce soir Jamie est là, et Katryn lui a donné en deux jours plus d’affection que sa propre mère en dix-sept ans.
C'est un roman que j'ai aimé, malgré une fin que je trouve peu réaliste finalement.
RépondreSupprimerC'est vrai pour la fin mais elle ne m'a pas choquée, je l'ai vue comme Gloria, comme un film avec une héroïne qui réussit à trouver le sens de sa vie et à éclore au coeur de l'écran :)
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