Quatrième de Couverture
Adam a découvert en France un endroit où l’on peut tuer sans conséquences.
Mon avis
Rien n’était censé faire se croiser Adam, ancien flic syrien et Bastien, flic français. Rien si ce n’est la guerre civile qui secoue la Syrie et la zone de passage qu’est la Jungle de Calais pour les réfugiés qui aspirent à de jours meilleurs en Angleterre. Rien si ce n’est une série de meurtres qui attirent le regard de ces deux hommes aux destins qui se mêlent, ces deux hommes qui sont les seuls à s’intéresser à ce qu’il se passe réellement dans cette Jungle, l’un de l’intérieur, l’autre de l’extérieur.
Entre deux mondes est une vraie claque qui continue de résonner des jours durant, qui se digère difficilement et qui fait qu’on ne peut plus aborder l’histoire des réfugiés sans serrer les dents de tristesse.
J’ai commencé ce livre sans savoir de quoi il parlait, en ne lisant que la quatrième de couverture et je ne m’attendais pas à une telle explosion de sentiments, à un bouleversement si intense ou un sujet si poignant.
Olivier Norek nous plonge avec réalisme dans cette Jungle de Calais où sont parqués ces réfugiés qui cherchent par tous les moyens à traverser la Manche. Venus de différents continents, ils aspirent à trouver une vie nouvelle, loin de l’horreur qui gangrène les pays où ont poussé leurs racines. Avant de livre ce livre, on sait que les choses sont moches, violentes, inhumaines dans ce camp. On le sait, on le voit de loin et ça s’arrête là. Puis on lit les mots de Norek, on se retrouve face à des personnages certes, fictifs, mais construits à partir d’histoires vraies, des personnages qui servent à rendre hommage à toutes ces personnes qui ont foulé cette Jungle. Les coups, les viols, les mutilations, les pressions, les menaces, la peur constante, la faim, le froid… Rien ne nous est épargné et c’est tant mieux parce que ce qu’il se passe sur notre territoire est insoutenable.
Au milieu de la fiction, Norek nous donne des chiffres, des faits, des rouages du système français. On apprend comment il est possible que des gens fuyant l’enfer de leurs terres se retrouvent dans un no man’s land administratif afin que personne n’ait à être responsable officiellement de leurs vies. On pénètre dans cette Jungle où les lois sont un mélange de survie, de coutumes étrangères mais, surtout, une horreur sans nom où chacun essaie de s’en sortir au détriment des autres. Parce que ces personnes, ces êtres humains qui ont risqué leurs vies des années durant n’ont plus rien à perdre et n’ont qu’un espoir : se reconstruire ailleurs, quitte à détruire les autres. Rien à voir avec une nature profondément mauvaise : quand on a traversé l’horreur et qu’on y vit encore, les limites pour s’en sortir n’existent plus.
Flics, migrants, associations, riverains… Tout le monde a un jour le mauvais rôle mais chacun essaie de faire bouger les choses à travers son propre prisme. Tandis que d’autres profitent de la misère pour se faire de l’argent, comme les passeurs de migrants, ces vendeurs de rêve qui conduisent le plus souvent vers la mort.
Le premier chapitre est écoeurant, glaçant et il annonce clairement la couleur de l’ensemble de l’histoire qui, malgré l’espoir qui se construit au fil des pages, la sensation d’humanité qui persiste et se débat, n’aboutit qu’au triste constat que seuls une poignée de réfugiés réussit à atteindre l’objectif final. Certaines histoires s’éclaircissent mais des milliers d’autres sombrent de plus en plus vers les ténèbres du désespoir.
Je ne vais pas disserter sur l’intrigue ou les personnages : en quelques lignes, ce serait impossible et j’en révèlerais bien trop. Et puis, la fiction ne suffit pas à oublier qu’Adam, Ousmane, Kilani, Nora, Maya, … sont une multitude. Une multitude d’êtres humains qui sont ballotés au grès de leurs espoirs et des restrictions imposées par d’autres. Des centaines de milliers de personnes qui sont forcées de partir de chez eux pour espérer entrevoir un autre avenir, quitte à mourir en route plutôt que mourir oppressés.
On ne peut ressortir indemne de cette lecture, j’en suis encore toute retournée des semaines après ma lecture et je ne le regrette pas. Je conseille à chacun de lire Entre deux mondes mais faites bien attention à votre petit cœur.
Ce n'est pas le premier. La violence est partout puisque la pauvreté est immense. Tu ne peux pas mettre ensemble dix mille hommes, quasiment enfermés, tributaires de la générosité des Calaisiens et des humanitaires, sans autre espoir qu'une traversée illégale, et croire que tout va bien se passer. Des morts, il y en a toutes les semaines. Les No Border les traînent aux limites de la Jungle, devant les CRS, mais parfois ils sont simplement enterrés entre les dunes et la forêt. Si un jour ils rasent la Jungle, il ne faudra pas creuser trop profond.
Wouaw, quel bel avis, j'adore ! Je sens que je ne vais pas tarder à le lire ! :)
RépondreSupprimerJe suis sure qu'il te plaira même si le terme thriller est clairement abusif pour le coup =)
SupprimerContente de te revoir sur la blogo Aurélie, surtout avec une chronique aussi belle et poignante ! :D Tu m'as donné envie de découvrir ce livre, bien que ce soit un genre littéraire auquel je ne me frotte pas trop en temps normal...
RépondreSupprimerMais ta chronique m'a convaincue, tu as su y mettre les mots, tu as su rendre la force et l'émotion qui émanent de cette histoire ! L'actualité est parfois un sujet sensible, mais si l'auteur a réussi à la retranscrire crument, de manière réaliste et avec toute la misère que vivent ces gens au quotidien, alors je vais peut-être lire ce livre un de ces jours :)
Passe une belle soirée, bisous ! ♥
Sue-Ricette
Oooh merci ♥
SupprimerAlots il faut savoir qu'Olivier Norek travaille dans la police et qu'il est allé faire un tour dans la jungle de Calais avant d'écrire son bouquin, c'est clairement un travail monstre d'investigation, il a été conseillé par des journalistes ainsi que des gens du milieu associatif sur place avant de faire naître son histoire :)