Quatrième de Couverture
Raison et sentiments sont joués par deux sœurs, Elinor et Marianne Dashwood. Elinor représente la raison, Marianne le sentiment. La raison a raison de l’imprudence du sentiment, que la trahison du beau et lâche Willoughby, dernier séducteur du XVIIIe siècle, rendra raisonnable à la fin. Mais que Marianne est belle quand elle tombe dans les collines, un jour de pluie et de vent.
Mon avis
Raison et sentiments raconte l’histoire d’Elinor et Marianne, deux jeunes sœurs, à travers les épreuves qui suivirent le décès de leur père bien-aimé. Etant les enfants de son second mariage, c’est leur frère aîné, John Dashwood, qui hérite de la fortune familiale. Mrs Henry Dashwood ne reçoit que le minimum pour élever Elinor, Marianne et Margaret, sa plus jeune fille. Henry Dashwood avait fait promettre à son fils de tout faire pour le bonheur de sa femme et ses sœurs et ce dernier y consentit volontiers. Seulement, sa femme d’une nature profondément égoïste, y voyait là une perte considérable dans les biens de leur propre enfant. Elle réussit à convaincre son mari de ne donner que quelques livres de convenance à sa belle-mère et ses sœurs en lui assurant que c’était cela qu’entrevoyait son père.
Mais Elinor s’est laissée surprendre par la force de ses sentiments pour le frère de sa belle-sœur, Edward Ferrars : ils s’apprécient et profitent tant qu’ils le peuvent de la compagnie de l’autre. Seulement, Mrs John Dashwood n’est pas encline à cette préférence et tout est fait pour séparer ces deus êtres et mettre un terme à cette affection naissante. Les femmes Dahswood sont forcées de constater qu’on ne veut leur bien et elles quittent Norland, leur cher Norland qui ne leur appartient plus pour un cottage à Barton Park où elles ont de la famille. Elinor réussit à masquer son chagrin ce que Marianne ne comprend pas réellement, elle pour qui tout sentiment ne peut être caché aux autres. John Middleton, ce parent, est heureux de les voir arriver et les met immédiatement en relation avec toutes ses connaissances dont fait partie le colonel Brandon, un homme de trente-cinq ans qui tombe immédiatement sous le charme de Marianne qui elle, tombe éperdument amoureuse de Willoughby qu’elle rencontre par un hasard, alors qu’elle se foule la cheville. Et puis ces deux hommes partent. Edward vient les voir mais ne reste trop longtemps, laissant à nouveau Elinor avec ses sentiments qu’elle ne peut exprimer. Les jeunes filles sont alors embarquées par Mrs Jennings, belle-mère de Sir John Middleton, à Londres où elles vont toutes deux être confrontées à leurs amours mais surtout à leurs déceptions… Londres est une ville où tout n’est que commérage, mensonge, enrobage de vérité et mesquinerie et ce sont les douces sœurs Dashwood qui vont en faire les frais…
Elinor et Marianne sont deux héroïnes totalement différentes qui vont vivre des épreuves amoureuses pas si éloignées l’une de l’autre. Elinor représente la raison, la réserve, la contenance : elle est capable de masquer ses sentiments vifs, de les laisser en elle quand cela est nécessaire. Il ne faut pas confondre cela avec de l’hypocrisie, non : c’est une réserve qui lui permet de se comporter au mieux dans cette société où les manières permettent de vous classer au sein des autres individus. Elle est la modération, la fille sage qui réfléchit avant d’agir et qui ne se laisse pas envahir par la force des émotions en apparence. Son bon sens permet de maintenir l’équilibre nécessaire au duo qu’elle forme avec Marianne qui elle, vit dans le vif de l’émotion. Elle ne cache pas ses sentiments, elle s’exprime avec un naturel plaisant, elle aime la force de ses passions, aime à laisser transparaître mais surtout à voir transparaître la beauté du monde dans un regard, dans une expression de visage, dans une parole. Elle s’emballe, court vers la puissance du sentiment. Elle ne se retient pas et se laisse aller à la joie ou la peine tout en ne choquant pas son entourage, tout en conservant un savoir-vivre à toute épreuve. La mère des deux jeunes filles tend plus vers le caractère de Marianne et c’est à la raison d’Elinor qu’elle prête une oreille plus qu’attentive. Vient alors le Colonel Brandon, un homme réservé mais droit et touchant pour celui qui sait creuser sa carapace. Il est habité part les meilleurs intentions du monde et se meurt d’un amour à sens unique pour la délicieuse Marianne qui éveille en lui de douloureux souvenirs. Du début à la fin, tout n’est fait que pour le bonheur des autres. Il s’inquiète pour ses amis et cherche à les aider du mieux qu’il le peut. Son côté réservé est en accord avec son histoire. C’est sûrement le personnage masculin qui m’a le plus touchée : on veut son bonheur même si l’on voit en lui un éternel solitaire. Sa fin heureuse nous comble autant que celle d’Elinor. Willoughby est un jeune homme qui ressemble beaucoup à Marianne : même goûts, même facilité d’expression, une compagnie agréable, le sourire facile quand tout va bien, un charme irrésistible… Mais il est aussi bien cachotier et un peu trop épicurien. C’est cette oisiveté qui va le perdre et le mener à bien des déboires… Enfin, Edward Ferrars est sûrement le personnage des cinq que l’on voit le moins mais qui a une importance de la première à la dernière page contrairement aux deux autres figures masculines. Il est entre Brandon et Willoughby : réservé mais bien élevé. Il cache ses sentiments, un peu comme Elinor et est guidé par sa raison, se laissant parfois surprendre par la force de ses sentiments qu’il relègue au second plan et qu’il oublie jusqu’à ce qu’il comprenne qu’ils sont trop intenses. Son honneur en fait un homme qu’on apprécie et qu’on respecte : il est prêt à aller au bout de son engagement au détriment de son propre bonheur et ça, c’est ce qui fait tout son caractère et son bon cœur. Les autres protagonistes sont accessoires, ils sont répartis en opposants et adjuvants mais ont chacun leur rôle à jouer. La femme de John Dashwood provoque la perte de ses frères en voulant éloigner Elinor d’Edward : elle est celle qui introduit complètement Lucy Steele dans sa famille et qui va mettre en scène la décadence de ses frères. Mrs Ferrars est aussi mauvaise et antipathique que sa fille : elle s’en mord les doigts et on en est bien contents. Lucy Steele est le personnage le plus détestable de ce livre : on regrette son issue, on aimerait la voir découverte que chacun puissent comprendre à quel point elle est manipulatrice. Ses mauvaises manières qui peuvent être touchantes chez certains protagonistes sont irritantes chez elle : elle s’impose et évince tout son petit monde à son propre profit. Même miss Steele, sa sœur, en fait les frais. Mrs Jennings est un peu la vieille commère du quartier qu’on écoute d’une oreille distraite mais qu’on apprécie pour sa gentillesse et ses actes parfois trop indiscrets. Même si elle n’est pas toujours d’une grande aide, son bon fond répare toutes ses maladresses. Le couple Middleton est sympathique mais sans plus : rien ne nous pousse à vouloir creuser au-delà, tout comme pour le couple Palmer.
Entre les deux sœurs, ma préférence va à Elinor : elle est sûrement celle qui souffre le plus dans ce roman, même Marianne qui pourtant tombe malade à cause de ses souffrances n’a pas vécu la moitié de ce qu’à vécu son aînée. Toutes les injustices qu’elle endure, les coups bas qu’elle encaisse font qu’on veut qu’elle obtienne une issue heureuse et que tous ses assaillants paient le prix forts. Elle est décriée par les Ferrars alors que c’est elle qui se démène pour aider Edward lorsqu’il est en mauvaise posture et c’est elle qui est animée des sentiments les plus honorables envers cet homme. Elle est la cible de l’extrême perversité de Lucy Steele et cette garce enfonce jour après jour le couteau, le tournant dans tous les sens en souriant : Elinor encaisse et ne dit rien. Elle supporte et emprunte le chemin de l’acceptation, du deuil de son amour au profit de Lucy qui elle, a reçu la promesse d’un engagement. Elle est la confidente de tout ce beau monde qui ne se soucie pas une seconde de ce que ça induit pour elle : elle sait tout et surtout, elle sait des choses qui l’enfoncent encore plus dans ses malheurs. Le naturel de Marianne m’a beaucoup plu, sa passion pour les choses de la vie et sa façon d’aimer pleinement sont appréciables. Elle est superbe, elle sait créer chez le lecteur un attachement sincère et est souvent le personnage favori d’après ce que j’ai pu lire. Seulement, je me suis plus attachée à la force d’Elinor et à ses efforts, à son côté modéré et à son amour inconditionnel pour sa famille, amour pour lequel elle se refuse à montrer ses souffrances. Elinor est une héroïne comme je les aime, à l’image d’Elizabeth Beckett d’Orgueil et Préjugés. Austen peint à la perfection ces femmes fortes qui savent faire le lien entre bon sens, tenue en société et force de caractère. Un beau mélange pour cette époque où la femme n’était pas encore autorisée à exister en tant qu’individu.
Comme les autres œuvres d’Austen que j’ai eu plaisir à lire, ce roman m’a transportée dans cette époque où l’amour nait dans un regard, dans une conversation, dans une inclination particulière et où il grandit dans des circonstances où nous, pauvres êtres modernes, nous ne pourrions même pas faire attention à notre voisin. Je suis à chaque fois impressionnée par sa façon de nous faire ressentir l’amour entre deux personnages sans qu’ils ne puissent se parler ouvertement, sans qu’ils ne puissent se toucher, se sentir… C’est superbe de pouvoir, à notre époque, pouvoir ressentir les premiers émois d’une jeune fille d’un autre temps auquel nous aurions tant de mal à aimer sans pouvoir exprimer pleinement nos sentiments. Les héroïnes ne peuvent se fier à leurs cinq sens comme nous nous plaisons à le faire et pourtant, Austen réveille chacun de ses cinq sens chez nous pour qu’on puisse ressentir les mêmes émotions que les sœurs Dashwood. Un véritable coup de maître ! Les paysages sont décrits avec une telle exactitude, les sentiments peints avec émotions, les personnages si vivants… On ne peut que se laisser envahir par son écriture et tomber dans une addiction qui ne finira jamais. On goûte à Austen et ça devient comme le chocolat : on en veut plus ! Sa vision de son époque et franche, elle ne se cache pas derrière des non-dits mais repousse les limites sans tomber dans la caricature extrême : elle dénonce les problèmes de castes et leurs obstacles à certains amours qui devraient pourtant brûler ardemment.
Je le conseille à tous ceux qui aiment le genre, les romans d'époque, les histoires d'amour et à ceux qui sont curieux. Je le conseille aussi aux autres car c'est un vrai délice !
Merci Jane d’avoir existé.
En vraie fan d'Austen, tu vas pouvoir me conseiller ! Je lis peu de classiques, mais Les Hauts de Hurle-Vent m'a bien plu et je voulais essayer du Austen pour rester dans le genre.
RépondreSupprimerLequel me conseillerais-tu pour commencer ?
J'ai lu ta chronique un peu en diagonale, parce que je n'aime pas en savoir trop sur un livre que je pourrais lire, mais on ressent bien ta passion pour cette auteure, c'est très beau :)
Ah, pour commencer Austen, rien ne vaut le sublissime Orgueil & Préjugé(s) (le s varie selon les éditions...). C'est réellement mon roman préféré en ce qui concerne les grands classiques ! Je te conseille même les adaptations télévisées et surtout celle avec Keira Knightley de 2005 ! C'est réellement sublime !
RépondreSupprimerEt merci pour ton commentaire :D
Je n'ai lu qu'Orgueil & Préjugés que j'ai beaucoup aimé. Je pense que j'en lirais bien d'autres, je verrais lesquels. En tout cas Raison & Sentiments me semble pas mal du tout :D
RépondreSupprimerTu as aussi Lady Susan en version folio à 2 euros qui est vraiment chouette :D
RépondreSupprimer