Quatrième de Couverture
La Commission des activités antiaméricaines du parlement des États-Unis connut son heure de gloire au début des années cinquante lorsque le sénateur Joseph McCarthy en devint le président et pourchassa militants et simples sympathisants communistes notamment dans les rangs de l'intelligentsia (Dashiell Hammett, Bertold Brecht, la fameuse liste noire des «dix de Hollywood»). Interrogé lui-même par cette commission, Arthur Miller s'est inspiré de cette époque de «chasse aux sorcières» pour écrire Les Sorcières de Salem. Il y met en scène un autre épisode célèbre de l'histoire américaine : le procès homonyme qui, en 1692, ébranla une petite communauté de la Nouvelle-Angleterre gagnée par une crise d'hystérie puritaine et se solda par la condamnation de nombreuses personnes soupçonnées de pratiques sataniques et par vingt-cinq exécutions. Mise en scène à Paris en 1955, dans une adaptation de Marcel Aymé, la pièce interprétée par le couple Simone Signoret-Yves Montand connut un véritable triomphe.
Les Sorcières de Salem illustre de façon magistrale comment peut être facilement franchie - et en tout temps - la frontière entre raison et folie, justice et fanatisme.
Mon avis
Quand une petite ville des USA s'embrase en 1692 pour une sombre affaire de sorcellerie, les esprits sont marqués et pas seulement pour une génération mais bien pour des siècles. Aujourd'hui encore, la triste histoire de Salem est connue, adaptée, étudiée, utilisée, ... Comment un groupe d'adolescentes a-t-il pu être à l'origine de la mort de tant de personnes ? Pourquoi personne n'a rien vu ? Arthur Miller nous propose une vision de l'histoire qui finalement, montre qu'à son époque, les chasses aux sorcières continuent, à la nôtre aussi...
J'avais déjà lu cette pièce il y a quelques années de ça, étant fascinée par ce qui s'est produit dans une petite ville du Massachusetts, et j'ai pris un réel plaisir à la relire. Je sais que cette lecture ne sera pas la dernière parce que c'est une oeuvre qui se laisse portée par l'horreur de cette réalité qui est toujours d'actualité. Dans sa version, Miller ne parle pas de l'hypothèse de la farine de seigle qui pourrait être la responsable d'hallucination, il a choisi de mettre toute cette sordide affaire sur le compte du fanatisme religieux, de l'orgueil mais surtout, de la cruauté de quelques gamines, et d'une en particulier, Abigaïl Williams...
Les préjugés permettent à cette fille de régler ses comptes avec les habitants de Salem : elle met en scène des hallucinations, des visions d'horreur, des scène violentes qu'elle et quelques unes de ses amies sont les seules à voir... A inventer surtout. Elle n'a en fait qu'un but : faire tuer sa rivale et pour ça, elle condamne toutes les personnes qu'elle ne porte pas dans son coeur. Les juges et les hommes d'église boivent ses paroles, ils la vénèrent, l'érigent et croient tout ce qu'elle dit. Les condamnations pleuvent et seuls les habitants sensés comprennent qu'il ne s'agit que d'une machination, John Proctor le premier, qui a succombé à la tentation avec elle et qui le regrette amèrement depuis. C'est sa femme la cible et il le comprend vite... Mais il est déjà trop tard.
L'orgueil et la vanité des juges n'autorisent pas leur remise en question : quelle honte ce serait d'affirmer officiellement qu'ils ont été trompés par une gamine ! Alors ils foncent, tête baissée, et tuent à tour de bras. Les filles entrainées par Abigaïl n'osent revenir en arrière, la seule qui le fait le regrette si vite qu'elle retombe dans la machination pour ne pas finir pendue. Le rouage est de toute façon lancé, seul ceux qui avouent le crime de sorcellerie peuvent être sauvés et ils sont quelques uns à avouer pour ne pas mourir : c'est suffisant à la cours pour affirmer qu'il y a bien eu sorcellerie...
En se plaçant dans l'époque de Miller, on comprend bien que cette peur du communisme a forcément été profitable à certains politiciens : il était facile de donner une étiquette communiste à celui qui devenait gênant pour l'écarter de la voie du pouvoir. C'est une allégorie qui est pleine de sens et qui à mon avis a bien marqué les esprits. En tout cas, elle a marqué le mien.
L'intemporalité de cette pièce en fait une oeuvre importante du théâtre selon moi. De plus, le style est réellement agréable et on est transporté très vite au coeur de l'action. Les personnages sont attachants - pas les menteurs bien sûr - et on espère qu'une chose : que ce soit Abigaïl Williams qui finisse sur le bûcher. Malheureusement, la justice ne triomphe pas toujours et ce sont les meilleurs d'entre nous qui en pâtissent. Le meilleur personnage est celui de Gilles Corey qui, dans la fiction comme dans la réalité, malgré son âge avancé, a tenu tête aux oppresseurs jusqu'au bout. Il l'a payé de sa vie mais surtout, il a eu droit à la fin la plus horrible : écrasé par des pierres posées une à une sur son torse. La phrase finale que lui donne Miller est tellement puissante qu'elle m'a fait sourire "Encore une", encore une pierre avant de pousser son dernier soupir. Courageux jusqu'au bout, fidèle à la justice et à ses valeurs. Qu'il paye pour son honnêteté nous révolte mais fait en même temps de lui une exemple à suivre du haut de ses quatre-vingt ans dépassés.
Je l'affirme une nouvelle fois : une merveilleuse pièce que je suis heureuse d'avoir enfin achetée et que je relirai encore et encore, pour me rappeler que la justice vaut mieux que le mensonge...
"Encore une.."
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