Dernières chroniques

Bienvenue

Bienvenue !


Rambalh, c'est un pot pourri de mes lectures, un blog pour partager mes coups de coeur et de gueule. Rambalh signifie Bordel en Occitan et c'est un peu le cas de ce blog. Il est surtout né de mon besoin de garder une trace de mes lectures. Retrouvez-moi aussi sur Accros & Mordus de Lecture.

mardi 3 avril 2018

Le lac noir d'Hella S. Haasse

J'aime découvrir la littérature dite "classique" d'autres pays et c'est vers la littérature néerlandaise que je me suis cette fois tournée grâce à un livre déniché (encore une fois) dans une bourse aux livres. Je vous ai déjà dit que j'adorais les livres de seconde main ?



Quatrième de Couverture
Dans les Indes néerlandaises d'avant la Deuxième Guerre mondiale, un jeune Indonésien, Oeroeg, partage l'enfance du narrateur dont le père, administrateur colonial, consent difficilement au métissage de leur éducation. Mais le temps et l'histoire les détachent plus sûrement l'un de l'autre que toute autorité extérieure. Bientôt Oeroeg choisit la cause de son peuple contre les Néerlandais auxquels il voue désormais une haine sans merci. Sur la réalité coloniale comme paradis perdu, sur les irréparables blessures de l’affrontement entre cultures et races, Hella S. Haasse écrit ici des pages plus émouvantes encore d’être en résonance avec tant d’autres exils contemporains.

Mon avis
Hella S. Haasse a grandi auxIndes néerlandaises et signe ici un roman décrivant l’amitié entre le fils d’un administrateur colonial et un jeune indonésien, Oeroeg dont le père est au service de l’administrateur. À travers le regard innocent d’un enfant favorisé par son statut, nous découvrons la réalité de la différence culturelle ainsi que du racisme et du colonialisme de l’époque.

Le narrateur raconte son enfance et le lien qui l’unit à son ami Oeroeg dès son plus jeune âge, la façon dont ils sont quasiment élevés ensemble et leur construction jusqu’à l’adolescence en parallèle. Le fils de l’administrateur ne se rend pas réellement compte de la différence qui est faite entre lui et son ami et c’est au fil des années qu’il prend peu à peu conscience de la réalité.

Ses parents ne passent que peu de temps avec lui ce qui fait qu’il n’a pas les préjugés des colons sur la population indonésienne, c’est une des causes de sa naïveté vis-à-vis du statut d’Oeroeg, qui est pour lui comme un frère. Leurs jeux, leur quotidien, leur croissance… Ils font tout ensemble jusqu’à ce qu’un professeur soit imposé au narrateur pour parfaire son éducation et le pousser à apprendre correctement tout ce que doit savoir un Néerlandais, dans le but d’intégrer une bonne école une fois l’âge requis venu.

Oeroeg sait que son ami ne fait pas de différence et il ne lui en parle pas. Lorsque ensemble, ils sont confrontés à la condescendance d’autres jeunes de leur âge vis-à-vis de l’Indonésien, Oeroeg ne dit rien tandis que le narrateur ne comprend pas ce qu’il se passe. Au fil du temps, Oeroeg développe une personnalité forte mais discrète quand il le faut, il se construit dans ce monde où il n’est considéré que comme de la future main d’œuvre.
Le narrateur n’est jamais nommé là où le prénom d’Oeroeg peuple les pages de ce roman : il est un pilier dans la vie du narrateur et même la figure principale de cette histoire, celui qui se construit son identité propre en navigant à travers les eaux troubles de l’époque. Le narrateur, lui, se laisse porter par les choix de ses parents contre lesquels il ne peut aller.

Au fil du temps, Oeroeg s’éloigne, restant fidèle à sa culture, ses origines, là où le narrateur ne se rend pas tout de suite compte de tout ce qui va finir par les opposer. Le jeune néerlandais a pu profiter de cette amitié grâce à son innocence, grâce à l’absence d’intérêt de ses parents pendant de longues années. Mais cette naïveté le ramène bien vite sur terre lors de la séparation finale : cet ami, ce frère n’est plus et il ne l’a compris que trop tard… Il lui faut devenir adulte et revenir sur ses pas pour prendre conscience de toute l’ampleur de l’effet du colonialisme sur Oeroeg et de ce qu’il va devenir.

Hella S. Haasse a su mettre entre nos mains une amitié tragique, vouée à disparaitre. Son narrateur permet de suivre progressivement la construction d’Oeroeg et de comprendre l’oppression morale, entre autres, subie par la population. Les brimades, l’attitude de conquérant du colon, l’appropriation des richesses locales… Tout fait naître un sentiment de haine chez Oeroeg qui ne peut que chercher à aller le plus loin possible dans son accomplissement personnel pour sortir de cette misère qu’on lui prédit depuis toujours. Malgré toute sa candeur, le narrateur ne pouvait pas à lui tout seul balayer toute l’oppression du colonialisme.
Certaines personnes ont cherché à aider les populations, à l’image du personnage de Lida, mais de façon égoïste, pour se sentir mieux, pour se sentir bonnes. Le pur altruisme n’est pas présent dans ce roman, tout comme il ne devait pas forcément l’être dans la réalité.

Je n’ai pas tellement été touchée par cette histoire ou les personnages mais j’ai beaucoup aimé naviguer dans le quotidien des Indes néerlandaises, voir l’opposition entre colons et colonisés. Le lac noir rappelle, comme beaucoup d’autres témoignages, les marques indélébiles laissées par la colonisation sur des populations qui ont été exploitées, humiliées, bafouées. L’attitude paternaliste au possible des colons, infantilisant constamment les populations locales, a été une bonne excuse pour continuer à les exploiter et les museler. Hella S. Haasse a su faire naître en moi de la révolte, de la colère envers le colonialisme et c’est tout ce que je voulais de ce livre.

Les avis des Accros & Mordus de Lecture

4 commentaires:

  1. J'avoue avoir très peu touché aux lettres néerlandaises... mais de ce côté-là, j'ai un souvenir assez fort de "La Découverte du ciel" de Harry Mulisch. Un pavé d'un millier de pages, foisonnant et splendide... à essayer!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis allée voir le résumé et, effectivement, il a l'air intense. Je note le titre pour sûrement me laisser tenter un jour, merci pour la suggestion :)

      Supprimer
  2. Bah dis donc, super chronique ! Ce livre a l'air bouleversant, et c'est une facette de l'histoire que je connais encore très peu. Merci pour cette chronique !

    (j'en profite pour dire que les vignettes des dernières chroniques en-dessous de la bannière, c'est carrément cool)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pareil, c'est un point d'histoire que je maîtrise très mal et ce genre de lecture permet de se rapprocher un peu de la réalité :)

      (je trouve ces vignettes bien pratiques aussi eheh)

      Supprimer